Dans notre société, l’image de la mère est assez sacralisée. Pourtant, toutes les mères ne sont pas des “Magicmamans”, et le sujet des mères maltraitantes est encore tabou. Entre incompréhension et fascination, le livre d’Hélène Romano “ Quand la mère est absente”, lève le voile sur cette thématique dont on parle peu.
La mère violente : un sujet qui fascine
Que l’on soit parent ou non, il peut être difficile d'envisager de maltraiter ou de ne pas aimer son enfant. Encore plus lorsque cette maltraitance vient de la mère. Dans les sociétés occidentales, nous avons une image de la mère très protectrice, très bienveillante. Pour preuve, l’icône de la France est symbolisée par Marianne. “L’image de la femme et de la mère est très idéalisée. Dans notre société marquée par une culture patriarcale, il est difficile de se détacher de l’image de la mère protectrice. Il y a beaucoup d’attentes et d’exigences vis-à-vis des mères, qui doivent assurer l’éducation et le bien-être de leurs enfants”, détaille Hélène Romano. Cela peut expliquer pourquoi cette image de la mère qui n’est pas présente, voire qui est maltraitante envers son enfant amène presque à la fascination. Car dans l’imaginaire collectif, un lien, une connexion se fait déjà in utero. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas.
Les difficultés liées à la maternité
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la maternité n’est pas innée. “Le fait d’avoir un bébé en France est extrêmement valorisé. Il y a beaucoup de représentation très édulcorée de la grossesse, sur le fait que cela doit être un moment merveilleux”, affirme l’autrice. Néanmoins certaines femmes n'apprécient pas être enceinte, et souffrent sur le plan physique, mais aussi moral. Elles ont parfois des douleurs, des difficultés. “Elles ont beaucoup de mal à être entendues par leurs proches et par les professionnels, comme si c’était tabou de dire que ça n’allait pas et que c’était compliqué”, poursuit la psychologue clinicienne. Elle différencie également la “maternité”, qui est le fait d’être mère physiologiquement, d’être enceinte, de porter un enfant, de la “maternalité”. Ce second terme est le fait de se penser psychiquement enceinte, et psychiquement maman. Donc on peut être enceinte mais ne pas se penser maman. Selon l’autrice, ces femmes-là font l’objet de jugements négatifs, alors que ce n’est pas une marque d'égoïsme.
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La souffrance des liens mère-enfant
Le fait que la maternité ne coule de pas de source est pourtant compréhensible. Ce qui l’est moins c’est lorsqu'une mère est maltraitante, mal-aimante envers son enfant. La psychologue clinicienne explique qu’il y a trois niveaux lorsque l’on parle de souffrance des liens entre une mère et son enfant :
- Le premier niveau, c'est lorsque la mère n’est pas disponible psychiquement pour son petit. Elle a du mal à se projeter en tant que maman. Elle n’est pas maltraitante, mais elle n’est pas maman, elle est juste mère. Souvent cela s’explique par le fait que cette femme souffre, suite à un vécu compliqué. Il peut s’agir d’un deuil, d’une séparation, d’une difficulté professionnelle… qui explique ce manque de disponibilité psychique pour l’enfant. Cependant, Hélène Romano affirme que ce n’est pas irréversible : “Si ces femmes-là sont prises en charge, qu’elles sont accompagnées, sans être jugées, alors on arrive à restaurer ce lien mère-enfant.”
- Le deuxième niveau concerne les mères maltraitantes. Il peut s’agir de violence physique et psychologique. Dans ces cas-là, le bébé n’est pas reconnu en tant qu’enfant. Dans le livre “Quand la mère est absente”, on peut lire : “Leur enfant réactive, bien involontairement, le vide affectif et représentationnel qu’elles ont souvent eu petites filles, ce qui constitue une source d’angoisse, pouvant provoquer des passages à l’acte (...) [L’]enfant ne se trouve pas inscrit dans un registre symbolique positif, mais intégré à la psyché de sa mère comme un objet de projection persécutive". En d’autres termes, le bébé vient réactiver les failles narcissiques de la mère, ses vulnérabilités.
- Le dernier niveau se focalise sur les mères criminelles, donc celles qui vont jusqu'à tuer leurs enfants. Il peut s’agir de le tuer, dans le sens “lui ôter la vie”, mais également le tuer psychiquement, en cas d’inceste par exemple. C’est un fait beaucoup plus rare dont on parle peu. “Ce sont des femmes qui se pensent elles-mêmes mais qui ne pensent pas leur bébé. Elles vont être capables d’avoir leur propre vie, d’exister pour elles, et même être maman pour d’autres enfants".
Grandir avec une mère absente
Pour les enfants de ces mères, la vie n’est pas simple. Ils vivent une enfance très compliquée, et emmagasinent beaucoup de souffrance, comme l’explique l’autrice : “Dans notre société, un enfant maltraité, mal aimé par sa mère, a du mal à être entendu. La parole d’un petit qui dit que sa mère le frappe va être minimisée, tandis que si les violences viennent du père, il sera plus cru et écouté”. Il y a un vrai déni de la part des autres. Avec une enfance aussi difficile, il n’est pas toujours facile de se construire. Le petit, ou l’enfant devenu adulte, va essayer de comprendre par l’histoire de sa mère, les raisons pour lesquelles elle agit de la sorte avec lui. “Souvent, dans la fratrie, il y a un bouc émissaire. La mère ne se comporte pas de la même manière avec les autres enfants”, précise Hélène Romano. L’enfant maltraité peut avoir des grandes phases de réflexions, qui vont débuter dans l’enfance et qui vont se manifester à l’âge adulte. Pour l’écrivaine, il y a trois issues possibles, pour que l’enfant vive au mieux sa vie d’adulte :
- Le travail thérapeutique de la mère : alertée par la détresse de son enfant, la mère fait un travail thérapeutique. Il est possible de suivre une thérapie familiale, qui pourra permettre de rétablir des liens mère-enfant. La maman se restaure elle-même et avance par rapport à son histoire. “Ce sont des cas de figure assez exceptionnels", prévient l’autrice.
- Faire le deuil de sa maman : Si la mère n’entreprend pas cette démarche, alors l’enfant doit faire un deuil : “Cela ne veut pas dire qu’il doit couper les ponts ou ne plus voir sa mère. Il faut que l’enfant ou l’adulte se dise qu’il n’aura jamais une maman. Ce n’est pas qu’elle ne veut pas, c’est qu’elle ne peut pas”, explique la psychologue clinicienne.
- L’espoir d’une mère qui change : Néanmoins, certains enfants sont dans l’attente permanente que leur mère change un jour. D’après Hélèné Romano : “Ce sont eux qui souffrent le plus".
Des enfants "pansements"
Devenus adultes, certains enfants maltraités et mal aimés ne voudront pas devenir parents, par peur de reproduire le même schéma. D’autres vont se dire que leurs enfants seront heureux. “Il y a un peu les deux extrêmes”, constate l’écrivaine. Parfois, ils peuvent choisir d’avoir des enfants pansements. “Dans ce cas-là, le petit n’aura pas le rôle d’enfant. Le parent va fonder tellement d’espoir vis-à-vis de cet enfant réparateur, qu’il peut développer de la violence envers sa progéniture. Car il fait porter à son petit quelque chose dont il n’est pas responsable”. Faire porter à son bébé, consciemment ou non, son propre passif parental n'est jamais bon signe pour lui. Néanmoins, il reste tout à fait envisageable de développer une relation totalement normale avec son bout de choux.
Aider les mères en souffrance
Il est tout à fait possible d’aider ces mères en souffrance. Plus la prise en charge se fait tôt, mieux c’est. Par exemple, les femmes peuvent ressentir un mal-être dès le début de la grossesse. Il ne faut pas hésiter à en parler. “L’énorme problème, c’est la formation des professionnels. Il n’y a pas de soutien à la parentalité sur le plan psycho-éducatif. Il ne faut pas banaliser leur souffrance, il faut l’entendre et les accompagner", conclut Hélène Romano.