La mort de son père quand elle avait 11 ans, une rupture amoureuse, le départ de son fils de la maison, puis plus récemment le décès de sa mère, sont autant d’abandons qui ont fragilisé à l’extrême Catherine, 54 ans. Elle les numérote tellement ils sont nombreux, jusqu'au numéro 6. La quinquagénaire détaille aussi chacune des blessures que ces séparations ont sillonnées au plus profond d’elle-même : «Un manque de confiance en soi, une lutte permanente contre le doute et une grande difficulté à faire confiance».

On l’appelle peur, sentiment, blessure, ou syndrome. Les noms changent et les symptômes varient en fonction de la sensibilité, mais l’origine est toujours la même : une séparation dans la petite enfance vécue comme un abandon. De plus en plus de personnes semblent concernées. Serions-nous une génération d'enfants abandonnés ?

 
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Une séparation difficile dans l’enfance

«C’est un mal très courant», affirme le Dr Daniel Dufour, médecin généraliste et auteur du livre La Blessure d'abandon (1). Tellement courant que ce chirurgien de guerre a décidé d’y consacrer un livre quand il a vu cette fragilité chez la plupart de ses patients souffrant de cancers ou d'autres affections comme la polyarthrite. «J’ai toujours essayé de comprendre les raisons psychologiques de certaines maladies, et souvent je retrouvais cette blessure chez les patients», se souvient-il.

Selon lui, tout le monde aurait souffert d’une séparation difficile dans l’enfance. «Le sentiment n’est pas forcément causé par un abandon physique. L’enfant peut ressentir qu’il n’a pas été désiré, ou qu’il n’est pas aimé tel qu’il le souhaiterait», détaille Daniel Dufour.

Pour Virginie Megglé, psychanalyste et auteure du livre Les séparations douloureuses : guérir de nos dépendances affectives (2), «tout le monde en souffre à différents degrés». «Naissance d’un petit frère ou d'une petite sœur, des vacances dans une colonie contre son gré, un déménagement, un décès, mais aussi des parents au chômage ou dépressifs, peuvent donner l’impression que le couple parental est absent», explique-t-elle.

Estelle, 24 ans, ne se souvient pas d’un abandon particulier dans son enfance, mais dit pourtant souffrir du syndrome. «J’ai peur de me retrouver seule du jour au lendemain», confie-t-elle. Son histoire ? Celle de la séparation de son père et de sa mère, et une relation fusionnelle avec cette dernière. «Je vivais avec elle et à chaque fois qu’elle avait un petit copain j’avais peur qu’elle parte pour toujours», raconte-t-elle. La jeune femme ira en internat au lycée et sa mère voyagera très souvent, laissant à sa fille le sentiment que tout le monde peut partir du jour au lendemain.

 
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Dépendance affective

Manque de confiance en soi, impression de ne pas mériter d’être aimé, dépendance affective ou rejet des relations de proximité pour se protéger, la peur de l’abandon fragilise ceux qui en souffrent. «C’est surtout à travers leurs relations affectives que les personnes vont se rendre compte de cette blessure», affirme Daniel Dufour. Persuadés qu’ils ne méritent pas d'être aimés parce qu’ils ont été abandonnés dans leur enfance, ces personnes n'arrivent pas à se donner de l'amour mais exigent de leurs partenaires qu’ils les aiment toujours plus.

«Quand on souffre de peur d'abandon avec angoisse, on va interpréter toutes les situations interpersonnelles sous la grille de l’abandon», souligne Saverio Tomasella, psychanalyste et auteur du livre Le Sentiment d'abandon (3). Dans certains cas, même un licenciement économique peut venir réveiller une vieille blessure d'enfant.

Les réseaux sociaux et l'attente du "like"

Les réseaux sociaux viendraient multiplier le nombre d'événements anodins qui rappellent la blessure originelle. «Toutes les relations virtuelles exacerbent cette insécurité que nous pouvons tous avoir. On est toujours en attente d'une réponse à un message ou d'un like. On a l’impression que ce like va nous rassurer, mais il ne fait qu'accentuer le sentiment d'abandon car au fond ce n'est pas de ça dont nous avons besoin», analyse Virginie Megglé.

Outre les réseaux sociaux, les crises écologiques, politiques et économiques, ainsi que les attentats viendraient, selon Saverio Tomasella, renforcer la peur de l’abandon et l’étendre à toute une génération. «Dans un monde violent et sans repères, de plus en plus de personnes ne savent plus comment elles vont s'en sortir. Cela ajoute au sentiment d'insécurité», affirme-t-il.

Pour guérir, il faut aller à la rencontre de cette douleur originelle, la reconnaître pour se comprendre. «Les "abandonniques" sont pleins d'une colère qui ne s'est pas exprimée pour différentes raisons», souligne Daniel Dufour. Selon le psychanalyste Saverio Tomasella, tant que l'on n’a pas repéré l'abandon réel, «on va se sentir facilement abandonné pour de petites choses».

Thérapie, hypnose, méditation, psychanalyse, les chemins sont nombreux. Le but est de créer un espace où l'on est en contact avec ses émotions. Selon Virginie Megglé, cet espace permet «d'apprendre à accepter que l'on est fragile pour devenir plus fort».

* Cet article, initialement publié en novembre 2018, a fait l'objet d'une mise à jour.

(1) La Blessure d'abandon, Daniel Dufour, Éditions de l'Homme, 20 €.
(2) Les Séparations douloureuses : guérir de nos dépendances affectives, Virginie Megglé, Éditions Eyrolles, 18 €.
(3) Le Sentiment d'abandon, Saverio Tomasella, Éditions Eyrolles, 18 €.