Aujourd’hui, on estime qu’un homme meurt tous les dix-sept jours sous les coups d’une femme. Ce chiffre dont on parle peu, a de lourdes conséquences. Pour mieux comprendre le sujet, nous avons décidé d’enquêter. 

Suicides, coups, violences physiques et morales, c’est ce que peuvent endurer ces hommes dans l’ombre. Aujourd’hui la plupart des hommes victimes des coups de leur femme n’osent pas en parler, et surtout porter plainte. On estime qu’à peine 3% des hommes se rendent dans un commissariat. Cette crainte peut s’expliquer pour différentes raisons, c’est notamment ce que nous détaille Pascal Combe, président de l’association Stop Hommes Battus.

Une image à entretenir

« Il y a un schéma historique depuis la nuit des temps, on nous a appris que l’homme était fort et viril et la femme faible et gentille. On a l’image de l’homme qui ne pleure pas, viril et qui n’a peur de rien donc ce n’est pas concevable d’imaginer un homme se faire battre car il peut se défendre », confie Pascal Combe. Ce sont principalement ces caractéristiques qui bloquent la gente masculine à se confier sur ce sujet. Les conjoints victimes de violences vivent une sorte de cycle : d’abord l’emprise puis la honte, l’humiliation et enfin le silence. Pascal Combe partage alors son ressenti : « progressivement à force de me faire harceler, on finit sous emprise. On culpabilise, on se dit que c’est à cause de soi, on ne pense pas qu’on est victime et on se dit  qu’on mérite les coups. La violence morale prime parce qu’elle est constante, nuit et jour. » Le président de Stop Hommes Battus a mis quatre ans à s’en remettre, aujourd’hui il vit aux côtés de sa nouvelle compagne.

Des violences psychologiques

Marie (*le nom a été modifié), thérapeute en région parisienne, explique que c’est un phénomène récurrent chez les patients souffrant de violences conjugales. Au cœur des violences faites par les femmes, l’aspect moral ressort. « Humiliation, violences physiques, soumission, menaces…Une véritable agression psychique » révèle Marie. Son travail ? « Accompagner psychologiquement les hommes battus pour les soigner ». Pourtant, ses clients restent rares : Marie ne s’est occupée que de deux hommes battus. La honte et le besoin permanent d’être viril freinent souvent les confessions : « J’accompagne l’une des personnes depuis 2014. Le climat de confiance s’est installé progressivement, il a commencé à m’en parler au bout de trois mois ». Pour l’accompagner au mieux, Marie lui fait faire des exercices de rétrospection, elle le pousse à réfléchir à un futur projet ou à sa situation actuelle. Généralement ces « victimes » ont besoin de parler. Ce qu’ils recherchent ? « Être écouté et surtout ne pas être jugé ». Pour Marie, leur plus grande souffrance c’est « l’estime de soi » et le fait de discuter « nourrit cet estime de soi et le rend positif ». Le problème des hommes battus, c’est aussi leur besoin de se positionner en tant que « sauveur ». « Ils se sentent obligés de protéger les femmes, alors que ces mêmes femmes les frappent » affirme Marie, consciente que ces réactions paradoxales relèvent d’une vraie soumission.

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Qui sont ces femmes ?

D’après une étude de la délégation aux victimes du ministère de l’intérieur en 2013, les femmes violentes sont souvent mariées, ont la cinquantaine et ne travaillent pas. 33% des homicides conjugaux sont faits par des femmes, les hommes représentent 27% des victimes. Dans la plupart des cas, les femmes utilisent des armes blanches plutôt que des armes à feu.

Une première avancée

Le premier mouvement pour les Hommes Battus est arrivé en 2009 avec l’affaire Maxime Gaget, victime des coups de sa femme. Dans son procès, il est conclu qu’il aurait été « un esclave domestique », obligé de dormir dans un placard et privé de se nettoyer. Subissant des coups réguliers, sa femme Zakia Medkour, l’a menacé de le dénoncer comme pédophile s’il portait plainte. La peine sera prononcée le 25 novembre 2016 avec deux ans de prison ferme et trois ans avec sursis. Cette même année, 149 000 hommes victimes de violences au sein du couple ont été recensé.

 

Les peines pour les violences ayant entraînées la mort, sans l’intention de la donner sont de minimum 20 ans de prison. Dans le cas où elle aurait été causée par des violences à répétition, la sentence encourue est de 30 ans. Mais rares sont ceux qui font les démarches. Selon l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice, seuls 3 hommes sur 100 osent déposer plainte.

Un sujet plus assumé dans le reste du monde

À l’étranger, les situations d’hommes victimes de violences conjugales sont aussi présentes. 40% des hommes sont battus en Angleterre, et le sujet est bien moins « tabou » qu’en France. Depuis 2015, en Belgique, des centres d’accueil exclusivement réservés aux hommes battus ont été ouvert pour leur venir en aide. En Inde, une association « Combat pour la justice » a été créé pour soutenir ces hommes battus. Elle met surtout en avant le nombre de suicides des hommes mariés causés par leurs femmes. D’après National Crime Records Bureau , 45% des suicides en Inde sont ceux d’hommes mariés. Ce genre d’initiatives n’a encore jamais été prise en France, reste à voir si la société sera prête à les mettre en place.

Co-écrit avec Elisa Samourcachian 

 
 

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