Tout faire pour éviter qu’une épidémie psy succède aux vagues Covid. C’est avec la ferme intention de remobiliser une discipline longtemps négligée par les pouvoirs publics qu’Emmanuel Macron a clôturé les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie ce mardi. «Vos professions méritent la considération, a fait valoir le chef de l’Etat. Cela doit conduire à ce que le sujet prenne une place différente dans la société et le débat public.»
Tarif indécent aux yeux du syndicat
Cette réhabilitation en grande pompe doit beaucoup à la pandémie. La réduction des interactions sociales, la baisse d’activité physique tout comme la peur de la maladie ont affecté massivement la santé mentale de la population. Tabous, ces maux restent souvent sans soin. Seul un malade sur trois est aujourd’hui suivi par un professionnel de santé, à en croire un sondage CSA pour l’Unafam (Union nationale de familles ou amis de personnes malades ou handicapés) et la fondation Pierre-Deniker. De quoi augurer d’une situation explosive, l’anxiété pouvant dégénérer en dépression faute d’être soignée à temps. «Nous avons pris en plein visage que les conséquences d’une pandémie sont sensibles aussi en santé mentale», précise le chef de l’Etat, bien décidé à «prendre le problème à bras-le-corps». Et vite.
Pour élargir rapidement l’offre de soin et faciliter les prises en charge précoces, Macron fait assaut de pragmatisme. L’hôpital étant débordé, il en appelle au secteur privé. Après le «chèque psy» mis en place pour soutenir les étudiants affectés par la crise, puis du «forfait 100 % psy enfant» instauré mi-avril en faveur des 3-17 ans, le Président annonce la création d’un forfait psy de plusieurs consultations, renouvelable si besoin. Des consultations qui, sur prescription médicale, seront remboursées par l’Assurance maladie à hauteur de 40 euros pour la première et 30 euros pour les suivantes.
Un tarif indécent aux yeux du syndicat national des psychologues, qui appelait mardi ses troupes à protester préventivement. Conscient du mécontentement, Macron temporise : «Les psychologues et les psychiatres qui n’ont pas besoin de s’inscrire dans un parcours de soins pourront continuer à exercer leur profession comme aujourd’hui», précise-t-il, et donc pratiquer leurs tarifs habituels, sans être obligés de souscrire au forfait.
Un numéro contre les «idées noires»
Autre réponse - un classique gouvernemental sur nombre de sujets : un numéro vert dédié (le 31 14) va ouvrir. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’a annoncé ce mercredi matin au micro de France Inter. «Il sera ouvert à compter de vendredi et il permettra aux Français qui traversent un moment très difficile, avec parfois des idées noires, des pensées morbides, […] de pouvoir trouver immédiatement une réponse à leur malaise. En contactant ce numéro, ils tombent sur des professionnels de la psychiatrie», détaille le ministre. La ligne sera accessible 24 h /24 et 7 J /7.
«Ça vous paraît peut-être un numéro de téléphone comme ça» mais «c’est un projet qui part de loin», défend Olivier Véran, qui met en avant «le temps de formation, d’identification, de financement de l’ensemble des professionnels qui répondront à la détresse des Français». Objectif affiché par le ministre : renforcer la prévention du suicide, «deuxième cause de mortalité chez les jeunes dans notre pays après les accidents de la route».
Revalorisation des salaires
En parallèle, Macron déclare vouloir «faire un effort massif pour l’hôpital». Au programme : rénovation des locaux, revalorisation des salaires et renforcement des équipes de soignants. Et le Président d’annoncer la création dès 2022 de 800 postes dans les centres médicaux psychologiques, structure de premier recours pour la santé mentale auprès de la population. Objectif : réduire le délai d’obtention d’un premier rendez-vous. Lequel peut aujourd’hui atteindre dix-huit mois dans les territoires les plus en tension, notamment en pédopsychiatrie, discipline où la pénurie de professionnels est particulièrement criante. Des délais pendant «lesquels, évidemment, la santé des personnes souffrantes se dégrade», a insisté le chef de l’Etat, qui promet de ne pas en rester là : «Ces efforts ne sont pas pour solde de tout compte. C’est le début d’un cheminement avec des étapes à conduire pour évaluer et progresser.»
Mise à jour : actualisé ce mercredi à 10h30 avec l’annonce d’un nouveau numéro vert par Olivier Véran.
«Quand écoutera-t-on les services de psychiatrie ?»