Noëlle Lenoir : « Certains mouvements féministes sont révélateurs d’une évolution vers un radicalisme teinté de communautarisme »

L’avocate Noëlle Lenoir voit dans les manifestations contre les nominations au gouvernement de Gérald Darmanin et d’Eric Dupond-Moretti la marque d’une dérive à l’américaine du mouvement féministe.

Publié le 15 juillet 2020 à 06h00 - Mis à jour le 13 août 2020 à 12h29   Temps deLecture 4 min.

 

 

 

 

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Tribune. Jamais je n’aurais imaginé prendre la plume pour m’insurger contre une certaine forme de féminisme qui tient plus à mes yeux du sectarisme que du militantisme. Jamais je n’aurais pensé que pourrait être importé en France un féminisme dont les modes d’action s’attachent moins à la défense de la cause des droits des femmes qu’au déboulonnage d’« hommes blancs et hétérosexuels » cloués au pilori pour des propos relevant de la liberté d’expression, comme les déclarations d’Eric Dupond-Moretti concernant le mouvement #Metoo, ou pour des comportements loin d’être avérés comme veulent le laisser penser certains slogans taxant, sans preuves, de viol la relation entre Gérald Darmanin et une jeune femme l’ayant contacté, au surplus, semble-t-il, pour lui demander d’interférer dans le cours de la justice.

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Je ne suis pas naïve. Je sais bien que les manifestations organisées par ces féministes pour conspuer deux personnalités de grande valeur, mais ayant eu « le malheur » de voir leurs mérites reconnus au point d’en faire des ministres du gouvernement de la France, ont une forte connotation politique.

Justice de rue

Pour autant, je suis inquiète de l’agressivité qui s’empare de manifestants qui entendent substituer ce que l’on appelle aujourd’hui la « justice de rue », qui confine au lynchage de triste mémoire, à la justice tout court, qui exige modération et non pas exaltation.

Que l’on ne s’y trompe pas. Je suis féministe par ma pensée et par mes actes, et je dirai même par ma naissance. Je n’ai dans ma famille que des exemples féminins de bravoure et d’intelligence : ma mère qui, autonomisée dès 16 ans, a créé sa propre entreprise et nourri sa famille grâce à son labeur et son intrépidité ; ma tante, première femme élue bâtonnière en France, à Versailles en 1959 ; mon autre tante, résistante communiste déportée à Ravensbrück ; ma grand-mère, d’origine russe, qui a figuré parmi les premières femmes avocates en France au tout début du XXe siècle, et j’en passe.

J’essaie de suivre leur exemple, il m’inspire. Ces femmes ont lutté pour leurs droits et en ont assumé parfois les conséquences. Elles ne sont jamais tombées dans l’écueil consistant à accréditer l’idée d’une responsabilité collective de la gent masculine « blanche », au motif que les femmes se sont vu dénier tout droit à l’égalité pendant des siècles, et plus spécialement, d’ailleurs, au XIXe siècle et au début du XXe siècle.

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