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Le Figaro.fr/madame.- En 2014, une enquête de l'Ifop révélait que seulement 2 femmes sur 10 avaient souvent éprouvé du plaisir lors de leurs rapports sexuels de l'année. Ce chiffre vous étonne-t-il ?
Valérie Doyen (1).- Du côté des sexologues, on parle plutôt de 3 ou 4 femmes sur 10 qui ont eu un orgasme. Mais le chiffre de l'étude ne m'étonne qu'à moitié. Il faut tout de même relativiser car on fait souvent à tort un raccourci entre l'orgasme et le plaisir. Heureusement les femmes qui n'ont pas d'orgasme, ont généralement du plaisir.
Dans une époque qui valorise l'épanouissement sexuel, pourquoi les femmes semblent encore bridées ?
On observe une certaine contradiction entre le discours, très libéré, et la timidité réelle des femmes. Elles réflechissent beaucoup trop et ne lâchent pas prise, ce qui les empêche d'accéder à l'orgasme. Elles sont dans le contrôle permanent, par complexes ou peur du regard de l'autre. Elles ont honte de se mettre dans certaines positions qui seraient plus agréables. D'autres se laissent mener, sont passives pendant le rapport sexuel. Mais il faut toujours être un peu égoïste et aller chercher soi-même l'orgasme.
Toujours selon cette étude, les pratiques sexuelles les plus fréquentes ne sont pas celles qui favorisent le plus le plaisir féminin. Les femmes ne seraient-elles pas insatisfaites parce qu'elles ne verbalisent pas leur désir ?
Oui, parce qu'elles sont souvent persuadées que leur partenaire sait, qu'il devine. Bien sûr, c'est le cas quand le couple se connaît depuis longtemps, mais nous avons souvent plusieurs partenaires sexuels maintenant. Un geste peut fonctionner avec une femme et ne rien provoquer chez une autre. Souvent elles optent pour des positions sexuelles qui plaisent à leur partenaire. Or contrairement à l'orgasme masculin réflexe, celui de la femme est provoqué quand plusieurs zones sont stimulées à la fois, par des caresses et des baisers. La seule pénétration suffit rarement. Le contexte est aussi plus ou moins favorable au plaisir et à l'orgasme. Les enfants absents de la maison, une ambiance érotique, des jeux sexuels...
Pourquoi n'osent-elles pas demander ?
Dans notre culture judéo-chrétienne, la femme doit ménager. Or formuler ce dont on a envie sous-entend que le partenaire n'est pas satisfaisant. Ça touche à la performance et on a peur de blesser, de créer des crispations. Cela explique que les femmes simulent. On craint aussi de modifier notre image. Que va-t-il penser si j'ai envie d'ébats plus « sauvages » ? On passerait de madone à femme libérée, et, pour certaines, ça ne se fait pas. C'est souvent le cas chez les femmes qui deviennent mamans.
Alors comment en parler sans vexer ?
On en discute lors d'un moment à deux mais surtout en dehors du rapport sexuel, pour éviter de le prendre au dépourvu. On aborde le sujet à la maison tranquillement ou au restaurant. Il faut toujours dire le positif pour ensuite rebondir en proposant : « J'ai beaucoup aimé la dernière fois quand tu as fait ça, du coup j'ai pensé que l'on pourrait faire ça ». On partage et l'homme ne pense pas qu'il a fait une erreur. Pendant l'amour, on peut aussi simplement utiliser le langage du corps.