Cet article a été initialement publié sur Broadly.
Quand l'association The Family Place a ouvert ses portes à Dallas il y a près de 40 ans, elle n'était a priori pas destinée aux hommes victimes de violence conjugale. Pourtant, au fil des décennies, de plus en plus d'hommes ont commencé à recourir à ses services. Entre 2015 et 2016, le nombre de victimes masculines aidées par The Family Place est passé de 10 à 32. Cette année, l'association s'attend à accueillir une cinquantaine d'hommes.
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Ces derniers temps, The Family Place logeait les victimes et leurs enfants dans des hôtels de Dallas, où ils bénéficiaient de nourriture et de conseils. Mais selon Paige Fink, directrice de The Family Place, cette configuration s'est avérée trop coûteuse pour la petite association. C'est pourquoi en 2016, elle a annoncé l'ouverture d'un refuge réservé aux hommes. Après plus d'un an d'ennuis financiers et de formalités administratives, The Family Place a enfin pu ouvrir les portes du refuge au début du mois de mai, et ce, en toute discrétion (il n'a pour l'instant pas reçu d'attention médiatique).
« Nous [avons ouvert le refuge] car, selon nous, aucun homme ne devrait craindre d'être blessé par la femme qu'il aime », précise Paige Fink.
The Family Place ne gère pas de refuges mixtes ; la plupart des associations proposent des refuges uniquement réservés aux femmes afin de minimiser le risque de nouveau traumatisme chez les victimes. Paige Fink a cependant remarqué que de plus en plus d'hommes se tournent vers The Family Place afin de retrouver la sécurité et la stabilité à l'issue d'une relation abusive. « Nous avons constaté un besoin accru », ajoute-t-elle.
Mais The Family Place n'est pas le seul service à proposer un soutien aux hommes et à leurs enfants : Family Violence Prevention Inc., un centre de prévention des crises situé à Batesville, dans l'Arkansas, a construit en février dernier ce qui pourrait être le premier établissement pour les victimes masculines aux États-Unis – The Taylor House Domestic Violence Shelter for Men. Bien que le refuge de 21 lits de The Family Place ait ouvert il y a six semaines à peine, il fonctionne déjà à pleine capacité ; les locataires sont principalement des pères de famille avec de jeunes enfants.
Ce n'est pas surprenant lorsqu'on se penche sur les statistiques. Si les femmes – en particulier les femmes transgenres et les femmes de couleur – sont affectées de manière disproportionnée par la violence conjugale, les hommes sont de plus en plus nombreux à partager leurs expériences d'agression. Aux États-Unis, on estime qu'un homme sur quatrea été violé, maltraité physiquement et/ou harcelé, contre une femme sur trois.
La sensibilisation à la violence conjugale menée au cours des dernières années a encouragé les hommes à raconter leur histoire. « Plus notre société accordera de l'importance à la violence conjugale, plus les hommes qui en sont victimes seront disposés à témoigner », explique Ruth Glenn, directrice exécutive de la National Coalition Against Domestic Violence.
« Aucun individu ne mérite d'être blessé par la personne qu'il aime. »
Mais à cause de la honte et de la stigmatisation sociale, beaucoup n'osent pas signaler les abus dont ils ont été victimes. Les hommes sont souvent jugés coupables de la violence qui leur a été infligée, et ils sont bombardés de questions accusatoires. Les détails de leur récit sont rigoureusement examinés et ils se heurtent souvent à l'incrédulité de la police, de la famille, des amis et des inconnus.
En outre, les hommes sont souvent rejetés par les services d'aide aux victimes ; selon un sondage du Journal of Family Violence réalisé auprès de 302 hommes victimes de violences, près de 67 pour cent d'entre eux déclarent avoir été éconduits par les hotlines et les associations au moment où ils en avaient le plus besoin. « La série d'obstacles imposée par notre société rend très difficile pour eux [de demander de l'aide] », ajoute Ruth Glenn.
Plusieurs décennies de recherches démontrent que la violence conjugale repose avant tout sur la soif de pouvoir et de contrôle, et ce, quelle que soit la victime. Les spécialistes estiment que les normes sociales patriarcales et la notion de masculinité dictent l'idée fausse selon laquelle les hommes, parce qu'ils font partie du soi-disant « sexe fort », ne peuvent être abusés ou violés – en particulier si l'agresseur présumé est une femme. Dès leur plus jeune âge, les hommes sont conditionnés à ne pas se considérer comme des victimes et à ne pas exprimer leurs sentiments. « La société impose aux hommes d'être durs et insensibles », ajoute Fink.
Pour les homosexuels victimes de violence conjugale, la stigmatisation n'en est que plus forte, en raison de la discrimination et de l'homophobie. Selon un rapport du National Coalition of Anti-Violence Programs paru en 2016, 44 pour cent des victimes LGBTQ ayant tenté de trouver un refuge en ont été privées ; près des trois quarts étaient des hommes gays et des femmes trans.
De nombreux organismes de prévention de la violence conjugale prêtent assistance aux hommes, mais selon les spécialistes de la question, la plupart sont déjà à court d'argent et de ressources, ce qui rend impossible la gestion d'un refuge réservé aux hommes. Malgré la situation actuelle, Paige Fink espère que, avec le temps et une plus grande sensibilisation, les services proposés aux victimes masculines de violence conjugale se feront plus nombreux. Pour l'instant, The Family Place – ainsi que le Family Violence Prevention en Arkansas – se contente d'ouvrir la voie.
« Ces victimes ne devraient pas être exposées au jugement. Lorsque nous les pointons du doigt, nous les mettons dans une position dans laquelle elles ne devraient pas se trouver, déclare Paige Fink. Aucun individu ne mérite d'être blessé par la personne qu'il aime. »