Dans son rapport 2017 sur les violences en santé, l'Observatoire National des Violences en Santé (ONVS) constate que lorsque des faits graves sont commis sur les personnels de santé avec parfois des blessures physiques importantes assorties de retentissements psychiques graves, les professionnels on un sentiment de gêne pour déposer plainte.
"Est-ce dû à la forte empathie naturelle du soignant vis-à-vis du patient, ou encore à considérer que le diagnostic médical posé par le médecin psychiatre traitant de l’établissement a conclu à un TPN (trouble psychique ou neuropsychique, ndlr) qui vaudrait, de fait, une irresponsabilité pénale pour les faits commis, ou enfin, à considérer que les coups donnés par le patient font partie de sa thérapie ?", interroge l'ONVS dans son rapport.
Car, le constat est là : les soignants exerçant en psychiatrie auraient une "gêne avérée" lorsqu'il s'agit de déposer plainte quand ils se font agresser.
C'est à la justice de déterminer si l'auteur d'agression peut être pénalement responsable
Certains professionnels de la psychiatrie affirment que « la loi du dehors doit entrer à l’hôpital psychiatrique ». « En réalité, il est nécessaire de rappeler que c’est effectivement lors de la phase d’enquête que la justice, et elle seule, déterminera par le biais d’une expertise médicale une abolition ou non du discernement de l’auteur. Il arrive d’ailleurs qu’une condamnation soit prononcée à l’encontre d’un patient suivi en psychiatrie même si un expert a constaté une altération de son discernement. Le sujet est donc délicat et ce n’est bien évidemment qu’au cas par cas que tout cela doit être examiné", souligne le rapport.
L’ONVS relève également que les avis sont partagés parmi les personnels. À côté de ceux qui accordent de toute façon une irresponsabilité pénale aux patients ou de ceux qui pensent que ça ne sert à rien de déposer plainte, d’autres expriment une peur réelle ou supposée de représailles s’ils déposent plainte, d’autres considèrent encore que c’est à partir du moment où le patient s’en prend à leur vie privée qu’ils seront fondés à déposer plainte pour se protéger (ex. : délire érotomaniaque, harcèlement du soignant…), voire protéger leur famille, d’autres enfin ne le feront que s’ils subissent des blessures graves.
"Se pose alors la question de la relation soignant-patient : comment gérer le rapport d’autorité ou de force quand le soignant comprend que le patient le manipule dans le cadre de sa pathologie ? Comme l’expriment encore certains professionnels du milieu psychiatrique, « il faut toujours parler à la partie saine de l’individu ». On notera l’exemple d’un professionnel de santé qui, le lendemain d’un très violent coup reçu, est allé voir le patient pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas peur de lui et que ce comportement n’était pas admissible. Certains professionnels pensent aussi que la sanction pénale peut très bien participer de la thérapie au sens où le patient est « recadré » par la décision de justice. C’est un moyen efficace de lui faire comprendre les limites qu’il ne doit pas dépasser", explique l'ONVS.
Quoi qu’il en soit, ces actes de violence sont loin d’être anodins car, avec les insultes et les menaces répétitives parfois quotidiennes, ils usent physiquement et psychiquement les personnels qui en sont victimes. "Au-delà du dépôt de plainte pour celui qui a été personnellement victime de l’infraction, il est évident qu’une forte cohésion des équipes et un fort soutien de l’encadrement à tous les niveaux s’imposent pour permettre à tous d’accomplir leur mission de soins dans les meilleures conditions et pour le bien des patients", souligne le rapport. Une des réponses dans ce soutien consiste aussi pour la DRH à proposer une mobilité au sein des diverses structures de leur établissement pour éviter que le professionnel reste toujours au même endroit avec les risques inhérents que cela peut engendrer et la démotivation qui peut s’ensuivre.
Rédaction ActuSoins (source : rapport ONVS)