La prise en charge des maladies mentales : le retard français
La prise en charge des maladies mentales : le retard français
Comment sont gérées les maladies mentales en France ? La psychiatrie de secteur a-t-elle fait son temps ? Le système français ne souffre-t-il pas d'immobilisme ?... Découvrez les éclairages du Pr. Marion Leboyer, responsable du pôle psychiatrie du CHU de Créteil et directrice de la fondation FondaMental et du Pr. Norman Sartorius, psychiatre et Président de l'Association for the Improvement of Mental Health Programmes (Suisse).
Doctissimo : Comment qualifier la prise en charge des maladies mentales en France ?
Pr. Marion Leboyer : Il me semble qu'une des caractéristiques de l'organisation du système de soins en psychiatrie en France est qu'il est très remarquable par son immobilisme. Toutes les autres disciplines médicales ont modifié, au fil des découvertes et des améliorations thérapeutiques et diagnostiques, l'organisation du système de soins.
En France, très curieusement, ce système de soins est pour le moment très immobile. Cela entraîne un certain nombre de difficultés et de problèmes, par exemple le retard au diagnostic, la stigmatisation de l'ensemble de la psychiatrie, que ce soit les malades mentaux mais aussi les psychiatres ou les outils de soins.
Doctissimo : La prise en charge diffère-t-elle beaucoup en Europe ?
Pr. Norman Sartorius : La France a inventé la psychiatrie de secteur. Elle est à l'origine de bien d'autres choses très importantes dans la psychiatrie d'aujourd'hui et acceptées dans beaucoup de pays du monde. Mais je pense que le développement de la psychiatrie est devenu plus rapide, plus efficace depuis quelques années dans les autres pays.
Par exemple, l'idée d'une psychiatrie communautaire où on investit beaucoup sur le soutien des familles avec un appui éducationnel, un appui financier, n'est pas très répandue en France. Je pense que c'est vraiment une voie d'avenir à privilégier.
Doctissimo : Quelles sont les conséquences de ce retard français ?
Pr. Marion Leboyer : Arrivent dans nos hôpitaux des patients qui sont forcément pris en charge beaucoup trop tard. Ils arrivent trop souvent dans le contexte d'urgence et absolument pas dans des démarches préventives ou des démarches de diagnostic, mais ils arrivent quand il y a une situation catastrophique. Et ils arrivent aussi beaucoup trop souvent dans le cadre d'hospitalisations sous contrainte (vous savez qu'il y a un dispositif d'hospitalisations psychiatriques qui sont soit les hospitalisations à la demande d'un tiers, soit les hospitalisations d'office). L'utilisation importante qui est faite de ce dispositif vient très clairement du fait qu'on intervient extrêmement tard.
Tout doit être fait pour pouvoir améliorer les conditions d'accès au système de soins français, donc le dépistage et le diagnostic beaucoup plus précoce.
Propos recueillis par Jean-Philippe Rivière et Florence Lemaire, le 29 janvier 2010
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