LA PSY PASSEE AU CRIBLE
La psy passée au crible
Il existerait plus de 200 types de psychothérapies. Mais sont-elles toutes efficaces ? Pour quels troubles ? Pour la première fois en France, une expertise collective a tenté de lever le voile sur trois d'entre elles : les thérapies comportementales et cognitives, la psychanalyse et les thérapies de groupe. Si la méthode utilisée est controversée, les conclusions permettent d'y voir un peu plus clair sur ces médecines de l'esprit…
Difficile de s'y retrouver entre toutes les psychothérapies existantes. Mais encore plus difficile d'évaluer ces méthodes destinées à soigner l'esprit. Pourtant, c'est la mission que l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale s'est fixée, suite a une demande de la Direction générale de la santé.
Plus de mille études
Un groupe d'experts a donc été constitué, composé de psychiatres, psychologues, épidémiologiste et statisticiens. Deux associations de patients, l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM) et la fédération nationale des associations de patients de psychiatrie (FNAPSY) ont également participé. Premier problème pour les scientifiques : choisir une méthode d'évaluation adaptée. C'est la méta-analyse qui a été retenue, consistant à collecter puis éplucher toutes les études qui ont jugé de l'efficacité des thérapies. Au vu des données disponibles, les auteurs se sont arrêtés à trois pratiques :
- La psychanalyse (approche psychodynamique) : c'est la fameuse approche basée sur les travaux de Freud. Les thérapies classiques durent plus d'un an, avec une ou plusieurs séances par semaine. Des variantes ont fait leur apparition tel que les thérapies brèves, qui proposent de traiter un trouble en quelques dizaines de séances.
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC): ces pratiques relativement récentes s'appuient sur les bases de la psychologie expérimentale. Il s'agit de thérapies brèves (10 à 25 séances), dont le but est d'éliminer les symptômes du trouble.
- Les thérapies de couple et familiales. Ces méthodes peuvent faire intervenir plusieurs approches, mais elles ont toujours pour principe de faire intervenir au moins deux personnes face au thérapeute. Une variante est la psycho-éducation dont le but est de mieux comprendre la maladie, de ses manifestations à son évolution, pour la personne et son entourage.
Le groupe d'experts de l'INSERM a ainsi passé au crible plus de 1000 études différentes, portant sur ces trois types de prise en charge.
L'efficacité en question
Cette expertise collective s'est focalisée sur certains troubles mentaux bien définis, pour lesquels une évaluation avait été faite. Dans chaque cas, ils ont attribué une efficacité à chaque méthode et essayé de déterminer la technique qui apportait le plus de bénéfice. De manière synthétique, les résultats peuvent se traduire comme suit :
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Psychanalyse |
Thérapies comportementales et cognitives (TCC) |
Thérapies familiales |
Etudes comparatives |
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Schizophrénie |
Peu ou pas d'effet |
Efficacité prouvée |
Intérêt significatif dans la diminution des rechutes |
TCC et thérapies familiales plus efficaces que psychanalyse |
Dépression |
Résultats positifs significatifs, même si manque d'études |
Efficacité prouvée |
Intérêt significatif dans la dépression majeure |
La TCC semble plus efficace mais de nombreuses études ne trouvent pas de différence avec les autres thérapies |
Troubles maniaco-dépressifs |
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Présomption d'efficacité si associée aux psychotropes. |
Intérêt significatif |
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Troubles anxieux |
Crises de panique : Efficacité sur la réduction des rechutes (si associée à antidépresseur |
Efficacité prouvée sur les crises de panique, les phobies, les TOC et le trouble de l'anxiété généralisé |
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Meilleure efficacité de la TCC dans le trouble anxieux généralisé, les crises de panique |
Stress post-traumatique |
Efficace sur les symptômes |
Efficacité prouvée |
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Pas de différence entre TCC et psychanalyse |
Troubles de la personnalité |
Efficacité significative |
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Troubles du comportement alimentaire |
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Efficacité prouvée sur la boulimie et prévention probable des rechutes dans l'anorexie |
Intérêt significatif pour une anorexie mentale de moins de trois ans |
Pas de différence entre les thérapies sauf pour la thérapie familiale pour les anorexies de moins de trois ans. |
Borderline |
Efficacité significative, maintenue à long terme |
Efficacité prouvée |
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Antisocial |
Efficacité des thérapies brèves, s'il existe une dépression |
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Phobie sociale |
Efficacité significative, maintenue à long terme |
Présomption d'efficacité |
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Meilleure efficacité de la TCC |
Selon cette expertise collective, les thérapies cognitivo-comportementales semblent donc être les grandes gagnantes de l'évaluation scientifique. Mais comme le reconnaissent les auteurs, il faut considérer les biais éventuels. Par exemple, les TCC incluent dans leur démarche une évaluation du résultat par disparition du symptôme. Ainsi une analyse scientifique des résultats obtenus, qui a le même type d'approche, ne peut que les favoriser. Un peu comme si par exemple on voulait évaluer l'apprentissage d'un sport comme le Basket-ball en ne comptant que le nombre de paniers marqués à la fin. Les techniques d'apprentissage qui s'attachent au dribble, ou au passe seront ainsi moins bien notées…
Un manque d'études
Et il faut souligner que la littérature scientifique comporte un très grand nombre d'études portant principalement sur l'efficacité de la TCC. Les autres thérapies souffrent ainsi d'un manque d'évaluation, qui les défavorise dans une comparaison. C'est le cas notamment de la psychanalyse, délaissée par les chercheurs.
Finalement, il faut souligner le mérite de cette expertise collective, première du genre en France à s'attaquer à l'efficacité des différentes thérapies. Elle permet ainsi de débroussailler un peu le terrain afin que professionnels mais aussi patients puissent enfin voir un peu plus clair dans le paysage psychothérapique. Et surtout, ce travail attire l'attention sur le manque criant d'études, notamment françaises. En attendant une nouvelle évaluation plus documentée, et peut-être une loi réglementant les pratiques, n'hésitez pas à vous engager dans une thérapie si le besoin s'en fait sentir. Quelle qu'elle soit, elle sera toujours bénéfique.
Les enfants : une classe à part !
Dans leur expertise collective, les auteurs ont également examiné l'efficacité des psychothérapies chez l'enfant, même s'ils manquaient de données. Dans leurs résultats, on retiendra quelles thérapies familiales font preuve de leur efficacité dans l'autisme, à condition que la prise en charge soit précoce. De même, cette approche a fait ses preuves dans le traitement des troubles anxieux de l'enfant et de l'hyperactivité déjà traitée par des médicaments. La TCC quant à elle semble améliorer les troubles dépressifs.
Révision médicale : Dr Jesus Cardenas, Directeur médical de Doctissimo, 27 juin 2014
Sources :
Psychothérapie, trois approches évaluées. Une expertise collective de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, février 2004.
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