1. Définition du délit de dénonciation calomnieuse.
Selon l’article 226-10 du Code pénal :
« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci ».
L’article 226-11 dispose que « lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites pénales, il ne peut être statué sur les poursuites exercées contre l’auteur de la dénonciation qu’après la décision mettant définitivement fin à la procédure concernant le fait dénoncé ».
2. La distinction entre la dénonciation calomnieuse, l’injure et la diffamation.
Les infractions de dénonciation calomnieuse, d’injure et de diffamation sanctionnent toutes une atteinte à l’honneur.
L’injure et la diffamation sont des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
- La diffamation est l’expression d’une pensée construite. C’est le fait d’imputer à une personne déterminée des faits portant atteinte à son honneur, qu’ils soient vrais ou faux.
- L’injure est l’expression d’une pensée fruste, c’est une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective qui ne comporte l’imputation d’aucun fait.
La dénonciation calomnieuse est une atteinte à l’honneur qui prend la forme particulière d’une dénonciation.
Elle peut aisément être distinguée de l’injure puisque, comme la diffamation, la dénonciation calomnieuse porte sur un fait alors que l’injure ne renferme l’imputation d’aucun fait.
La dénonciation calomnieuse se distingue ensuite de la diffamation :
- D’abord, la constitution de la diffamation est totalement indifférente au caractère vrai ou faux du fait imputé à la victime. A contrario, calomnier c’est imputer à une personne d’avoir commis un fait qui n’a pas été commis ou qui n’existe pas. La dénonciation calomnieuse repose sur un mensonge.
- En outre, la diffamation peut être adressée à toute personne alors que la dénonciation calomnieuse doit être faite à une personne qui doit pouvoir y donner suite.
3. Les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse.
3.1 Le fait dénoncé.
3.1.1. Un fait sanctionnable.
Ne peut être réprimée au titre de l’article 226-10 du code pénal que la dénonciation de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires (Crim., 14 décembre 2016 ; Crim., 17 mai 1994).
Tel est par exemple le cas de l’envoi par un avocat d’une lettre au bâtonnier de l’Ordre dans laquelle il dénonce la production d’un faux dans un litige l’opposant à un confrère, ces faits pouvant justifier des poursuites disciplinaires et/ou pénales et le bâtonnier étant une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente (Crim., 18 septembre 2012).
3.1.2. La fausseté du fait dénoncé.
L’auteur de la dénonciation calomnieuse doit dénoncer un fait mensonger. A défaut de caractère mensonger de la dénonciation, l’infraction ne sera pas constituée.
Le fait dénoncé peut être totalement ou partiellement inexact.
S’agissant des modalités d’appréciation de la fausseté des faits par le juge, l’article 226-10 distingue deux cas :
- S’il existe une décision définitive d’acquittement, de relaxe ou de non lieu qui déclare que le fait n’a pas été commis ou qu’il n’est pas imputable à la personne dénoncée, le juge saisi des poursuites contre le dénonciateur n’a aucune marge de manœuvre : l’infraction de dénonciation calomnieuse est nécessairement constituée (al. 2). A contrario, aucune poursuite pour dénonciation calomnieuse ne peut être exercée lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à une condamnation pénale passée en force de chose jugée (Crim., 22 janvier 2002).
- Dans les autres hypothèses, le juge apprécie la pertinence des accusations portées par le dénonciateur (al. 3). Ainsi, si les faits dénoncés ont donné lieu à une décision de non-lieu fondée sur d’autres motifs que l’absence de commission des faits ou leur imputabilité à la personne dénoncée, le juge retrouve son pouvoir d’appréciation souveraine de la fausseté du fait dénoncé (Crim., 11 juillet 2007). Il en va de même lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à un classement sans suite (Crim., 12 octobre 2010).
3.1.3. La forme de la déclaration.
La déclaration doit prendre la forme d’une dénonciation spontanée.
N’est pas spontanée la dénonciation opérée par le commandant d’un centre d’incendie et de secours qui n’a fait qu’informer son supérieur hiérarchique de la commission, dans l’enceinte du centre, d’une infraction qu’il avait le devoir de porter à sa connaissance (Crim., 8 novembre 2005).
Il en est de même pour un policier qui porte à la connaissance de son supérieur hiérarchique un incident dont il avait le devoir de l’informer (Crim., 3 mai 2000).
N’est pas davantage spontanée la dénonciation faite par un prévenu ou un accusé si elle se rattache étroitement à sa défense (Crim., 3 mai 2000).
Celui qui dénonce doit avoir pris l’initiative de porter devant les autorités des accusations mensongères contre un tiers. Ne sont donc pas spontanées les déclarations recueillies par des gendarmes dans le cadre d’une enquête préliminaire (Crim., 16 juin 1988).
3.2. Le destinataire de la dénonciation.
Il résulte de l’article 226-10 du Code pénal que l’infraction n’est constituée que si la dénonciation a été adressée :
- soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire ;
- soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente : délégué syndical (Crim., 29 novembre 2016), commissaire aux comptes (Crim., 26 mai 2010), président d’un tribunal de commerce (Crim., 26 juin 2007), médecin et assistante sociale (Crim., 22 octobre 2002).
- soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée.
L’infraction sera caractérisée même si l’autorité saisie de la dénonciation n’y a pas donné suite ou n’a pas saisi l’autorité compétente (Crim., 29 novembre 2016).
3.3. La victime de la dénonciation.
La victime de la dénonciation doit être une personne déterminée.
Il n’est pas nécessaire que la personne dénoncée ait été dénommée dès lors qu’elle est désignée en des termes équivalents permettant sa détermination (Crim., 22 mai 1959).
Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale, puisqu’une personne morale peut faire l’objet de poursuites pénales et encourir des sanctions disciplinaires (V. par exemple, pour un organisme bancaire : Crim., 22 juin 1999).
3.4. L’élément moral de l’infraction.
La dénonciation calomnieuse est une infraction intentionnelle. L’auteur doit avoir tant la conscience de la fausseté des faits dénoncés que la conscience d’exposer la victime à un risque de sanction par cette révélation.
La simple constatation du fait que la dénonciation a été effectuée dans le but de nuire à la victime ne suffit pas à qualifier la mauvaise foi (Crim., 11 octobre 1983).
4. La prescription du délit de dénonciation calomnieuse.
La dénonciation calomnieuse est une infraction instantanée : la prescription de l’action publique court le jour où la dénonciation parvient à l’autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente (Crim., 17 octobre 2006).
Toutefois, il résulte de l’article 226-11 que la prescription de l’action publique est suspendue par l’exercice effectif des poursuites pénales ou disciplinaires relatives au fait dénoncé, et ce jusqu’à la décision mettant définitivement fin à la procédure.
5. Le tribunal territorialement compétent.
Sont territorialement compétents le tribunal du lieu de commission des faits ou le tribunal du lieu de résidence du prévenu.
La dénonciation calomnieuse est commise au lieu du siège de l’autorité qui a reçu l’écrit incriminé et qui a compétence pour y donner suite (Crim., 10 mai 1983 ; Crim., 4 juillet 1974).
6. La répression du délit de dénonciation calomnieuse.
La peine encourue pour le délit de dénonciation calomnieuse est prévue à l’article 226-10 du Code pénal. Elle est de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
La tentative de l’infraction n’est pas punissable.
Des peines complémentaires sont prévues, telles que l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou l’interdiction d’exercer les droits civiques, civils et de famille (article 226-31 du Code pénal).