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LE TABOU DE L'ENFANT PRÉFÉRÉ

 

https://www.elle.fr/Maman/Ma-famille/Fratrie/Le-tabou-de-l-enfant-prefere-712065

 

 

 

Le tabou de l'enfant préféré

Le tabou de l'enfant préféré

On ose à peine se l’avouer et, pourtant, il existe souvent dans les fratries un enfant préféré. L’égalité est-elle impossible ? Est-elle d’ailleurs souhaitable ? Enquête sur des sentiments indicibles.

L'ÉGALITÉ EST-ELLE IMPOSSIBLE ?

 

On ose à peine se l’avouer et, pourtant, il existe souvent dans les fratries un enfant préféré. L’égalité est-elle impossible ? Est-elle d’ailleurs souhaitable ? Enquête sur des sentiments indicibles. Par Anne-Cécile Sarfati. > Réagissez sur le forum  

 
 

   Penchée sur un carton de photos, Agathe Villanova, féministe convaincue et femme politique énergique, est en larmes. Elle trie les affaires de sa mère, décédée un an plus tôt. Un cliché en particulier la fait pleurer. Elle doit avoir 7 ou 8 ans. Blottie contre sa mère qui l’entoure de ses bras, elle sourit à l’objectif. Mais, dans le coin droit, une autre fillette, les bras ballants, vient troubler ce tendre souvenir : Florence, sa jeune soeur. Cette photo ouvre les yeux à Agathe. Elle réalise ce qu’elle refusait d’admettre depuis des années, malgré les plaintes et les chagrins de Florence : elle était bien la préférée de sa mère.

 

Cette scène est tirée de « Parlez-moi de la pluie », le nouveau film d’Agnès Jaoui, un petit bijou de psychologie – qui ne traite pas uniquement des rapports entre soeurs –, actuellement sur les écrans. Dans la vraie vie aussi, les familles connaissent cette problématique du « chouchou ».

SELON LES PARENTS, PAS DE FAVORI DANS LA FRATRIE

 

Selon les parents, pas de favori dans la fratrie

 

   Pourtant, si vous interrogez les parents sur la différence de sentiments qu’ils éprouveraient pour leurs enfants, la réponse surgit comme un cri d’orfraie : « Comment ! Préférer un enfant à un autre ? Mais c’est monstrueux, voyons ! » Pour Véronique, mère de deux ravissantes fillettes, cette question la renvoie carrément au « Choix de Sophie », de William Styron, magnifiquement interprété au cinéma par Meryl Streep ! Comme si avoir un faible pour un enfant impliquait forcément de sacrifier son frère ou sa soeur. A croire les parents, donc, il n’y aurait pas de favori dans les fratries...

 

Mais alors, pourquoi, devenus adultes, les enfants assurent-ils presque toujours le contraire ? « J’étais la chouchoute de mon père », raconte Nadia. « Ma mère m’adorait, se souvient Marc, et je reconnais qu’elle faisait souvent des différences avec mon frère. » Quant à Nathalie, elle se souvient que son père était « plus dur » avec elle qu’avec sa jeune soeur. « Elle, c’est simple, il suffisait qu’elle le regarde d’une certaine façon, avec son regard enjôleur, pour qu’il fonde instantanément », assure-t-elle.

POURQUOI UN TEL TABOU ?

 

Pourquoi un tel tabou ?

 

   Pourquoi un tel décalage entre la parole des parents et celle des enfants ? « Parce qu’il y a toujours un enfant préféré ! » rétorquent les psys, avant d’ajouter que « cette préférence est souvent taboue pour les parents ».

 

Pourquoi un tel tabou ? « Il est très difficile de reconnaître qu’on a une attirance plus grande pour l’un de ses enfants, assure Maryse Vaillant, psychanalyste, qui publie avec Sophie Carquain “Entre soeurs : une question de féminité“ (1), dont un chapitre est consacré à la préférence parentale. Aujourd’hui, poursuit la psychanalyste, cette question est plus taboue que jamais car on mythifie l’amour parental, on en fait une notion très romantique, une sorte d’amour parfait, sans condition et égal entre les enfants. Reconnaître des variations dans la quantité et la qualité d’amour qu’on éprouve pour ses enfants a quelque chose d’indicible. »

 

De fait, si les parents veulent bien admettre « un petit faible » pour tel enfant, rares sont ceux qui s’avouent à eux-mêmes une préférence. Tout au plus ont-ils conscience d’« avoir plus d’affinités » ou d’« avoir le décodeur » de l’aîné tandis qu’ils ont « plus de mal à comprendre » le cadet...

 

 

 

   (1) Editions Albin Michel.  

RECONNAÎTRE LA PRÉFÉRENCE

 

Reconnaître la préférence

 

   Le déni parental est-il préférable pour les enfants ? Non, répondent les psys. « Ce n’est pas parce que la préférence est indicible qu’il faut se la cacher à soi-même », explique Maryse Vaillant. Les psys en sont sûrs : ce déni pousserait les parents à des « passages à l’acte de rejet violent » avec l’enfant qui n’est pas le préféré. Charlotte, elle, laissait échapper systématiquement des soupirs exaspérés sur son cadet, tandis qu’elle portait des regards extatiques sur l’aîné... « Il a fallu que ma meilleure amie me le dise pour que je le réalise et que je fasse attention », se souvient-elle. « Moins la préférence est reconnue, plus elle ressort dans les actes et dans les gestes », insiste Catherine Mathelin, psychanalyste (2).

 

Encore plus tordu : la culpabilité inconsciente éprouvée à l’égard de l’enfant qui n’est pas le préféré peut conduire à prendre une distance excessive avec le chouchou. C’est un peu ce qui est arrivé à Chantal avec ses deux filles, âgées aujourd’hui de 16 et 12 ans. Une psychanalyse l’a aidée à comprendre ce processus diabolique. « Quand ma cadette est née, j’ai eu comme un coup de foudre pour elle, raconte-t-elle. C’était très étrange : comme si ce petit être faisait véritablement partie de moi. J’avais tout à coup la certitude de ressentir tout ce qu’elle ressentait. Mais cette découverte m’a plongée dans une culpabilité monstrueuse vis-à-vis de l’aînée qui ne m’inspirait pas de tels élans... Quand elle était toute petite, je m’en occupais bien sûr, mais j’étais moins dans la passion, plus dans le devoir. Je la sentais différente de moi, j’avais parfois l’impression d’avoir mis au monde une étrangère... Pour compenser la différence avec sa soeur, j’ai passé plusieurs années à la privilégier, à la gâter davantage, comme si le matériel pouvait rattraper l’émotionnel... Mais c’était injuste pour la petite ! C’est le “travail“ avec mon psy qui m’a permis de rééquilibrer cette situation bizarre. »

 

 

 

   (2) Auteure de « Qu’est-ce qu’on a fait à Freud pour avoir des enfants pareils », éditions Denoël.  

QUAND LE PARENT S'IDENTIFIE À L'ENFANT

 

Quand le parent s'identifie à l'enfant

 

   Sans forcément entamer une thérapie, comment reconnaître la préférence qu’on peut ressentir ? En comprenant déjà d’où elle vient. Elle peut exister avant même la naissance. « Chaque grossesse, chaque naissance s’inscrit dans un tableau inconscient complexe, analyse Maryse Vaillant. Les blessures infantiles sont réactivées, tout comme les relations complexes avec ses parents, ou encore les tensions dans le couple, les histoires d’amour passées... Toute la charge culturelle de la famille pèse sur l’enfant à naître. »

 

Ainsi, Chantal reconnaît qu’au moment de la naissance de son aînée elle était en pleine crise avec son premier mari (dont elle a finalement divorcé dans la violence), alors que la naissance de sa cadette a été « beaucoup plus paisible », avec un nouvel homme, qu’elle qualifie aujourd’hui d’« homme de [sa] vie »...

 

   Autre indice pour dénicher les préférences : l’identification du parent à un enfant, plus qu’à un autre. « Une mère peut s’identifier à sa fille et la charger de tous les défauts qu’elle se reproche à elle-même », poursuit Maryse Vaillant. Dans ce processus identificatoire, les places dans les fratries jouent aussi. Ainsi, la mère qui était l’aînée aura tendance à privilégier son premier. Et le père qui était le cadet pourra se sentir plus proche du numéro deux. « C’est vrai que, entre mon aîné et moi – qui étais aussi l’aînée –, il y a une vraie complicité liée à cette place très exposée dans la famille », reconnaît Valérie.

 

Les projections parentales peuvent aller encore plus loin. Ainsi, en devenant adolescent, tel garçon renverra sa mère à tel oncle adoré ou détesté... « Quand je vois mon fils de 15 ans, fainéant comme une couleuvre et qui raconte plein de bobards, je ne peux m’empêcher de penser à mon père qui était pareil et qui a raté sa vie, avoue Laeticia. Ma fille, elle, est beaucoup plus sérieuse et raisonnable, je me sens plus de connivence avec elle. »

 

En somme, il existe autant d’histoires de préférence que d’histoires de familles. Heureusement pour l’enfant, rassurent les psys, les projections de la mère et du père ne sont pas les mêmes, ce qui permet certains rééquilibrages : si le numéro un est plus proche de sa mère, le numéro deux le sera peut-être de son père.

PRÉFÉRENCES PARENTALES : L'ENFANT JOUE LUI AUSSI UN RÔLE

 

Préférences parentales : l'enfant joue lui aussi un rôle

 

   Enfin, l’enfant lui-même jouerait un rôle dans les préférences parentales. Ou plus exactement son comportement et la plus ou moins grande facilité avec laquelle il se laisse éduquer par ses parents... « Mon fils aîné a toujours été délicieux, raconte Danièle. Hormis une légère paresse à l’école, je n’ai rien eu à lui reprocher. Ma fille, en revanche, avait un caractère odieux : elle piquait des crises, refusait de faire ce qu’on lui demandait, avait sans cesse des problèmes de discipline à l’école. Alors, c’est vrai que les relations avec elle ont toujours été plus compliquées parce que conflictuelles. »

 

Pour Catherine Mathelin, « il est indéniable que l’attitude de l’enfant influence les élans d’affection ou d’agacement qu’il provoque chez ses parents. Cependant et heureusement, nuance aussitôt la psy, les comportements évoluent souvent et les affinités parentales aussi ! » L’adolescence, notamment, peut être un moment de la vie familiale où les cartes des préférences sont rebattues.

 

« J’ai toujours eu une complicité avec Léa, mon aînée, raconte Delphine. Je me projetais plus dans elle que dans sa petite soeur, Hortense, raconte Delphine. Il faut dire que jusqu’à ses 13 ans Léa était un ange : douée à l’école, drôle, sportive, bonne copine... Alors qu’Hortense, c’était une vraie rebelle : elle contestait tout, tout le temps, par principe. En plus, elle avait le don de manipuler tout le monde et surtout son père... Avec elle, je piquais des colères monstres, jusqu’à avoir des pulsions meurtrières... A tel point que nous l’avons conduite chez le psy. Parallèlement, sa soeur est entrée dans l’adolescence et les choses se sont mises à changer : elle s’est mise à devenir odieuse, elle aussi, comme si elle voulait nous pousser à la détester. Curieusement, plus l’aînée devenait infernale, plus la cadette s’assagissait et devenait sympa. Est-ce le changement d’attitude de sa soeur ou sa thérapie ? Un peu des deux sans doute. Mais aujourd’hui, je peux le dire, même si je n’aime pas ce mot : alors que j’ai deux ados à la maison, c’est la plus jeune ma préférée. »

LE CHOUCHOU, UN MAL-AIMÉ ?

 

Le chouchou, un mal-aimé ?

 

   Les enfants préférés osent à peine le dire : être le chouchou n’est pas la panacée.  

 

« Incontestablement, j’ai été le favori, se souvient Arnaud, qui est aussi celui de sa fratrie qui a le mieux réussi... Mes parents étaient des gens modestes, mais rien n’était trop beau pour moi. Comme j’étais relativement doué à l’école, on m’a permis de faire des études poussées. Je suis devenu chirurgien, tandis que mon frère et ma soeur ont des petits boulots et galèrent. Aujourd’hui, je dois vivre avec cette culpabilité d’avoir été favorisé et de m’être élevé socialement. Alors, pour me racheter, je passe ma vie à faire des chèques à mon frère et à ma soeur, je prends en charge tous leurs problèmes... Le pire, c’est que ça ne les rend pas moins envieux ni plus aimants à mon égard ! »

 

Vis-à-vis des parents aussi, la préférence se paie cher. Comme ils ont placé beaucoup d’espérance dans leurs favoris, les parents attendent beaucoup plus d’eux. Résultat : les chouchous se sentent en dette, obligés de combler les rêves de leurs parents. Ils ont été trop aimés pour être libres.

COMMENT NE PAS ÊTRE INJUSTE ?

 

Comment ne pas être injuste ?

 

   Les psys sont formels : se sentir plus proche d’un enfant n’implique pas de le favoriser par rapport à son frère ou à sa soeur, encore moins le sacrifier. « Les vrais cas de maltraitance dans les fratries sont quand même très rares », juge Catherine Mathelin. « Même si cela peut paraître paradoxal, on peut avoir une préférence pour un enfant, sans pour autant aimer moins son frère ou sa soeur », assure Maryse Vaillant. Mais comment faire ?

 

« Il faut comprendre qu’on aime chaque enfant différemment, affirme Catherine Mathelin, qu’on n’est jamais la même mère pour tous ses enfants, que chaque relation mère-enfant est unique. » Pour l’expliquer à ses jeunes patients, la psy utilise la métaphore des gâteaux, qui peut aussi servir aux parents. Elle leur dit : « L’amour d’une maman ne se partage pas comme un gros gâteau dont chaque enfant aurait une part à la naissance. A chaque naissance, un nouveau gâteau se fabrique, au goût et à la forme différente, rond ou carré, chocolat ou fraise. Ce gâteau est unique pour chaque enfant. Ton petit frère ne peut rien prendre de cet amour. Il n’y a aucun gâteau à partager. »

 

 
 


02/10/2020
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