Stop hommes battus

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Les femmes battues masquent les hommes battus

 

 
 

 

Figaro Madame
 
 

 

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"femmes battues" est une très grande régression"
  |  Le 14 mars 2016
Homme battu

L'historienne spécialiste du droit et des violences de genre Victoria Vanneau rappelle que les violences conjugales étaient condamnées dès le 19e siècle, contrairement aux idées reçues.

Lefigaro.fr/madame.fr - Au XIXe siècle, un homme avait-il vraiment le droit de « corriger » sa femme ?
Victoria Vanneau. - 
Dans le code civil de 1804, l'article 2013 disposait que le mari devait protection à sa femme et qu'elle lui devait obéissance. Certains historiens ont fait un raccourci désastreux en affirmant que cet article autorisait le mari à la battre. Mais il n'en est rien. Depuis l'Antiquité, le mari était le chef de famille, avait autorité sur sa femme mais aussi ses enfants et pouvait les corriger... mais il ne pouvait pas aller jusqu'à les battre à mort. On croit souvent à tort que la justice ne faisait rien contre les violences au sein du couple mais c'est faux, elle les condamnait depuis longtemps. 

Depuis quand et comment les violences conjugales sont-elles alors condamnées ? 
Au XIXe siècle, on ne parle pas de « violences conjugales » mais plutôt de « dissensions domestiques ». En 1801, au moment de l'élaboration du code pénal, les rédacteurs qui avaient conscience de l'existence de ces violences, ont voulu justement intégrer un « conjuguicide ». Mais le concept ne sera pas retenu. En cas de maltraitance ou « d'usage de la tyrannie contre la faiblesse » comme on disait alors, on avait estimé que les couples n'avaient qu'à aller au civil demander le divorce ou la séparation de corps. Ce n'était pas dans la logique de condamner les violences au pénal. Le couple relevait du privé et la loi pénale n'avait pas à s'en mêler. Dans la pratique, certains se sont alors appuyés de la notion de « trouble à la tranquillité publique » pour intervenir, en prétextant que les voisins étaient dérangés. Mais il faudra attendre 1825, avec l'arrêt Boisboeuf, pour que les juridictions pénales se sentent compétentes et légitimes pour juger ces violences. 

 

Qu'a changé cet arrêt ? 
La cour de cassation a dit « stop » et a affirmé que la justice pénale était compétente pour juger aussi les affaires de couple. Désormais, on ne regarde plus la nature des liens entre les gens. On applique le droit commun, à savoir : punir les violences faites par une personne sur une autre. On voit alors apparaître dans les registres de la justice criminelle la notion de « dissensions domestiques ». Cela devient une circonstance aggravante et est aussi bien le fait d'hommes que de femmes. La justice ne faisait pas de différence : tout crime commis au sein de la famille, qui est la base fondamentale de la société du XIXe siècle, était inconcevable.

On suppose qu'il y avait tout de même bien moins de mesures pour permettre au conjoint d'être protégé en amont...
Oui, les femmes qui étaient battues se retrouvaient dans une position rigide : elles ne pouvaient pas quitter le domicile conjugal, ni témoigner contre leur mari. Malgré tout, la justice jugeait et condamnait ces violences. Ce qui existait en pratique a été érigé en cause juste en 1992, lors de la réforme du code pénal lorsque le législateur a écrit noir sur blanc comme circonstance aggravante le fait de battre son conjoint ou son concubin.

Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps ? 

La femme a dû acquérir un certain nombre de droits au fil du XIXe siècle. Les deux guerres mondiales, puis celles de décolonisation n'ont pas toujours servi les intérêts de la famille dans la société... Après 1950, lors de la reconstruction, il faut avouer que la société s'est recroquevillée, on assiste alors au retour d'une certaine forme du conservatisme. Les victimes, qui ne portaient déjà pas beaucoup plainte, ne se sentent pas légitimes à recourir à la justice pour que cessent les violences de leur conjoint. Ce n'est qu'à partir des années 70, que les mouvements féministes ravivent cette question. On veut sortir du secret, mettre ce qui est tabou sur la scène publique en revendiquant le droit de ne pas être battue. Pendant longtemps, la société a eu du mal à accepter ce qui se passait dans l'espace privé des couples. Les proches de la victime disaient « ce n'est rien » et avaient peur du qu'en dira-t-on. Les féministes ont été entendues par les législateurs. C'était une façon de marquer le coup et de reconnaître les violences conjugales non plus comme un simple phénomène social mais en en faisant un fait de droit. Pour asseoir et légitimer leur discours, ces mouvements féministes ont cependant dressé un tableau noir de la justice pénale du XIXe siècle, prétextant qu'elle n'avait rien fait. Mais surtout, en assimilant les violences conjugales aux « femmes battues », les féministes ont contribué à nier la violence des femmes envers leur mari. En agissant ainsi, en créant un séparatisme, elles ont fait fausse route. 

Les hommes battus représenteraient 11% des violences conjugales, c'est une minorité. 
C'est marginal mais on estimait également que les femmes victimes de violences étaient marginales à l'époque où elles osaient peu porter plainte. C'est pareil pour les hommes d'aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'il y en a peu qu'il ne faut pas en tenir compte. Un jour, cette marginalité va exploser. On parle de « femmes battues », ce qui a tendance à victimiser la femme et pénaliser l'homme. C'est une très grande régression : on exclut à la fois les hommes battus mais aussi les nouvelles conjugalités, comme si l'on niait la violence au sein des couples lesbiens et gays... Et pendant ce temps, on prône l'égalité.

Aujourd'hui, les violences ne se réduisent pas. 
On a du mal à enrayer les violences. Les victimes n'osent pas assez porter plainte. Certaines divorcent, mais les violences restent impunies. Il n'y a pas de différence aujourd'hui si ce n'est qu'on crie plus fort au scandale. Le procès de Jacqueline Sauvage s'est davantage joué dans les médias que devant la justice. On a tenu à victimiser cette femme pour oublier l'acte commis. Aux yeux de l'opinion publique, le jury populaire s'était trompé, alors qu'ils étaient en possession des éléments du dossier et représentaient l'opinion publique. Par deux fois, ils se seraient trompés ?

La paix des ménages

Le livre de Victoria Vanneau retrace, à travers de nombreux procès, l'histoire de la reconnaissance des violences conjugales dans le droit pénal français.

Suite à cette affaire médiatique, la députée LR Valérie Boyer a soumis une proposition de loi sur les violences conjugales. Qu'en pensez-vous ? 
Je pense qu'ériger la violence entre conjoints comme circonstance aggravante suffit et qu'on ne peut pas faire plus. Qu'est-ce que veut dire réellement « violences conjugales » ? La violence a donné lieu à un certain nombre de définitions et d'actes. La légitime défense consiste à répondre proportionnellement à un acte. Pourrait-on cautionner une violence plus grave que le coup ? Certes, il y a toujours une question de dépendance qui empêche la victime de porter plainte. Si on accepte de prendre en compte l'élement psychologique de l'emprise, avec quels outils peut-on la mesurer ? Des experts vous diront oui, d'autres non, ce serait expertise contre contre-expertise. 

La justice est-elle suffisante selon vous en matière de violences conjugales ?
Je pense que l'appareil juridique est suffisant, les normes pénales sont là, n'en rajoutons pas plus. Faire une loi cadre sur les violences conjugales serait une erreur. Le problème est que les victimes ne portent pas plainte. Il faudrait davantage permettre au conjoint victime d'être écouté par les autorités, d'avoir des recours et de règler le problème en amont. Commençons par la pédagogie, plutôt que la tolérance. 

La paix des ménages, histoire des violences conjugales, XIX-XXIe siècle, de Victoria Vanneau, 368 pages, aux Éd. Anamosa, 24 €. 

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Et tant que l'on limitera la compréhension de la violence à une forme particulière, on restera pour toujours dans le sophisme du tireur d'élite texan qui construisait sa cible autour des trous les plus proches les uns des autres.

 
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17/05/2019
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