Edité dans un premier temps par Monstrograph, c'est désormais Le Seuil qui a repris la main et qui va republier le texte à 15 000 exemplaires, ce 2 octobre.
Il est vrai que le titre de l'essai de Pauline Harmange, militante féministe, a de quoi interpeller ... Moi les hommes, je les déteste - tout est dit, mais tout reste à comprendre. Avec dès les premières pages, un maître-mot qui revient comme un refrain, un slogan, une revendication : "misandrie". "Je vois dans la misandrie une porte de sortie. Une manière d’exister en dehors du passage clouté, une manière de dire non à chaque respiration. Détester les hommes, en tant que groupe social et souvent en tant qu’individus aussi, m’apporte beaucoup de joie – et pas seulement parce que je suis une vieille sorcière folle à chats", écrit l'auteure.
Dans son essai, Pauline Harmange s'insurge contre ces hommes qui s'affichent aujourd'hui comme féministes : "Nous sommes nombreuses à penser que les hommes ne peuvent pas être féministes, qu’ils n’ont pas à s’approprier un terme forgé par des opprimées." "Réservons-nous le droit d’être moches, mal habillées, vulgaires, méchantes, colériques, bordéliques, fatiguées, égoïstes, défaillantes…", écrit aussi Pauline Harmange, revendiquant le droit d'"avoir la confiance d'un homme médiocre", parce que "les standards sont très bas pour les hommes, mais pour les femmes, ils sont bien trop hauts".
Violences sexuelles, injonctions, charge mentale, patriarcat hétérosexuel, sur le ton de la confidence, sur la base de son expérience personnelle, Pauline Harmange fait se rejoindre l'intime et le politique, pour conclure sur un manifeste sororal, un appel aux soeurs à la rejoindre dans ce combat pour la liberté.
Dans un contexte de #Metoo en série, et à l'heure ou certain.e.s accusent les féministes d'en faire trop, de "pêcher" par excès de radicalisation, Terriennes a voulu en savoir plus sur l'origine de cet essai en s'entretenant avec l'autrice.
Pauline Harmange, 25 ans, est autrice, militante féministe, licenciée en communication. Elle habite Lille. Elle anime depuis bientôt dix ans un blog sur lequel elle publie régulièrement des articles, aussi bien ses coups de coeur en polars féministes, que des recettes vegan.
Elle est aussi bénévole dans une association de lutte contre les violences sexuelles, L’Échappée.
En 2018, elle a co-animé le Club de Lecture Féministe des Antigones (#CLFAntigones) avec Ophélie Véron.
Moi les hommes, je les déteste (essai, 2020, Monstrograph et réédité par Seuil)
Limoges pour mourir (roman, accessible en ligne)
Terriennes : pourquoi ce livre et pourquoi ce titre ?
Pauline Harmange : c'est la maison d'édition Monstrograph qui m'a contactée pour écrire à ce sujet, à la suite d'un article sur mon blog parlant du "burn-out" féministe, dans lequel je parlais d'une certaine lassitude vis-à-vis des hommes même les mieux intentionnés. En cherchant d'autres titres plus factuels, comme par exemple Eloge de la misandrie, on a finalement trouvé celui-ci, plus piquant.
Vous attendiez-vous à un tel succès, mais aussi à tant de réactions ?
Non, pas du tout. Comme Monstrograph est une petite maison d'édition qui n'a pas vraiment de force de frappe en termes de communication, on pensait que cela allait rester dans un cercle assez restreint, celui des gens qui suivent mon blog et de ceux qui connaissent cette maison d'édition. J'ai été très surprise. Quand au monsieur qui voulait faire interdire le livre, nous n'avons plus eu de nouvelle. Le jour de la sortie du livre, il avait envoyé un mail, avec son adresse officielle du ministère, à Monstrograph. Des avocats se sont renseignés et depuis, sur Médiapart, il a réïtéré sa volonté de porter plainte, mais pour l'instant il ne l'a pas fait.
Un mot revient souvent dans votre ouvrage, misandrie, comme un maître-mot ... C'est même un principe de précaution selon vous, pourquoi ?
Un principe de précaution parce que nous sommes élevées en tant que femmes à faire confiance aux hommes parce qu'ils sont mis sur un certain piédestal du fait qu'ils sont des hommes. Quand on fait l'état des lieux des violences faites aux femmes, on se rend compte que les hommes peuvent être de potentiels agresseurs et les tenir comme ça à distance, en étant d'instinct méfiante vis-à-vis de la gente masculine, ça permet de limiter les interactions dangereuses avec eux.
Se méfier des hommes, ce n'est pas les détester, alors pourquoi aller jusqu'à la détestation ?
Pour moi, la méfiance est individuelle, dans le rapport de personne à personne. La détestation, elle, porte sur le groupe social des hommes, comme le présente le féminisme matérialiste. Il peut y avoir différents degrés de positionnement par rapport à eux, mais la misandrie, elle est envers les hommes d'une manière globale et sociétale.
Les hommes ne peuvent pas être féministes ?
Non ! Le féminisme est une lutte par les femmes et pour les femmes. Depuis que le féminisme existe, les hommes se sont beaucoup attachés à mettre des bâtons dans les roues de cette lutte. Globalement, ils ont été très peu aidants. Aujourd'hui, tous ces hommes qui se réclament féministes, c'est pour prendre le devant de la scène et faire un spectacle de leur engagement. C'est aux femmes de prendre le devant de la scène sur cette question-là.
Ce parti-pris, n'est-ce pas reproduire ce qui a existé pour les femmes, et exclure une autre moitié de l'humanité ?
En fait, les hommes ont des choses à faire pour que l'égalité soit acquise, ce n'est pas pour autant qu'ils doivent revendiquer le terme de féministe. Des choses peuvent être réalisées, mais dans l'ombre, pour permettre aux femmes d'être visibles. L'exclusion d'une moitié de l'humanité, c'est déjà ce que vivent les femmes au quotidien, et depuis longtemps. Je pense que si les hommes sont exclus de la lutte féministe, ils vont s'en remettre, sans problèmes (rires). Voilà ce que répond cette militante que je suis sur Instagram lorsqu'un homme lui demande ce qu'il peut faire pour aider les féministes : elle lui répond qu'il peut par exemple garder les enfants quand sa copine va aux manifs ! Ce n'est peut-être pas très glorieux, mais en même temps, c'est très utile
Dans votre ouvrage, vous écrivez que "Les femmes sont dans un processus de mise à jour permanent", qu'entendez-vous par là ?
On fait beaucoup comprendre aux femmes qu'elles ne sont jamais assez aimables, belles etc... Cela joue beaucoup dans leurs relations, intimes notamment, avec les hommes. Nous, les femmes, on va chercher à s'améliorer, à devenir une meilleure personne, ce qui est une belle chose en soi. Mais on ne demande pas du tout la même chose aux hommes qui, eux, vont plus se complaire dans des mécaniques fonctionnelles et laisser aux femmes la charge de faire en sorte que les relations se passent le mieux possible, sans faire leur part.
La misandrie serait l'inverse de la misogynie, mais du coup, être misandre, c'est être sexiste ?
(Sourires) Mmmm, non ! Ce que j'explique, c'est que la misandrie est en réaction à la misogynie, et que s'il n'y avait pas cette ambiance misogyne dans la société en général, qui permet aux hommes de continuer à être agresseurs, il n'y aurait pas besoin d'être misandre en retour. C'est un processus d'autodéfense de pouvoir mettre les hommes de côté et d'éprouver de l'hostilité envers eux, parce que les hommes, en tant que groupe, le sont.
L'origine de votre détestation, elle vient d'un constat chiffré : 99% des violeurs sont des hommes...
J'ai l'impression que les femmes sont plus en plus à même de voir que le problème des violences est systémique, et que si elles n'ont pas vécu ce genre de violences, et bien, elles ont eu de la chance, si l'on peut résumer ça comme ça. Les hommes, par contre, n'ont pas pris la mesure qu'ils font partie d'un groupe représentant la grande majorité des agresseurs. Les femmes ont de plus en plus la force de prendre la parole, mais c'est aussi pour ça que j'ai écrit ce livre et qu'il ne s'adresse pas aux hommes. Je n'attends pas grand chose d'eux en retour, car j'ai l'impression que c'est aussi très difficile pour eux de faire partie d'un groupe dominant et oppresseur et de le reconnaître.
Vous parlez de colère, en citant votre mère, la colère ne peut être que masculine ?
Je me suis rendue compte que ma mère avait cette capacité de se faire entendre dans des situations qui n'étaient pas liées à l'intime. Cela m'a frappé combien cela reste compliqué pour les femmes de s'imposer dans leurs relations intimes, au sein du foyer.
Vous avez un compagnon, donc vous ne détestez pas tous les hommes !
Je suis très consciente de la chance que j'ai d'avoir rencontré mon compagnon, parce qu'à l'âge de 17 ans, j'aurais pu me mettre en relation avec n'importe quelle autre personne qui aurait pu être moins ouverte sur plein de questions, plus dans la domination, plus virile. On a pu avancer ensemble et on a eu cette chance de pouvoir se construire ensemble !
A lire aussi dans Terriennes :
► Une "Bible des femmes" propose une relecture de textes périmés et misogynes
► Maroc : une campagne misogyne sur les réseaux sociaux scandalise les femmes
► L'avortement sélectif en Arménie : le choix du garçon
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► #Vousnenousferezplustaire : sur les réseaux, des victimes d'agressions et de viols brisent l'omerta
► #MeToo, #BalanceTonPorc : révolution an 1
► Sandra Muller, celle par qui #BalanceTonPorc est arrivé
► Viol sous drogue ou GHB : la soumission chimique, un fléau peu reconnu
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NOTRE AVIS SUR LE REPORTAGE PLUS BAS :
CE REPORTAGE EST INTERESSANT
CAR IL MONTRE QU'IL N'EST PAS CHOQUANT
DE TENIR DES PROPOS MISANDRES.
C'EST AVEC DES PROPOS MISANDRES QUE NOS
TROIS ASSOCIATIONS REPRESENTANT NOUS
SUPPOSONS 500 000 VICTIMES HOMMES ET ENFANTS
ONT ETE ABANDONNES PAR L'ETAT DANS UNE
SITUATION PROCHE DES VICTIMES DES SYSTEMES
TOTALITAIRES,
PRIVES DE DROITS,
SANS RESSOURCES POUR SE DEFENDRE,
SANS ASSISTANCE MEDICALE,
SANS CENTRES D'HEBERGEMENT POUR FUIR,
CERTAINS CONDAMNES ET POURCHASSES
PAR LEUR BOURREAU EN JUSTICE.
VOIR ARTICLE :
http://www.regards.fr/idees-culture/article/la-misandrie-une-hostilite-edentee
La « misandrie » : une hostilité édentée
La frénésie qui entoure la publication des livres d’Alice Coffin et de Pauline Harmange, accusées de nourrir une condamnable « misandrie », témoigne d’une grande fébrilité quant à l’énonciation des luttes antisexistes dans le champ médiatique. Une panique massive dont la disproportion interroge.
Alors qu’Alice Coffin a été exposée à d’ignobles menaces de mort, que le livre de Pauline Harmange a finalement échappé à la censure malgré l’intervention hostile d’un fonctionnaire du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, c’est en direction des hommes que toute la compassion s’est orientée.
LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>> Voile : ces femmes que l’on pourchasse
Pourtant, rien n’est véritablement choquant dans leurs propos, dont une forme sciemment déformée a été livrée à la vindicte publique. « L’art est une extension de l’imaginaire masculin », écrit Alice Coffin. Du fait de la surreprésentation masculine actuelle et passée dans la production artistique, dans l’accès aux espaces et aux financements, nos imaginaires sont charpentés par cette perspective dominante. Décider, après une vie exposée à une vision androcentrée du monde, de consacrer son espace mental à la création féminine, non sans préciser qu’il s’agit d’une opération temporaire, n’est qu’une opération de rééquilibrage. C’est aussi une décision personnelle qui n’engage que celle qui la prend et n’invite aucunement à l’éradication des artistes masculins.
Pauline Harmange, quant à elle, propose de réfléchir à la manière dont le sexisme quotidien et protéiforme enferre les femmes dans une forme de méfiance susceptible de se muer en haine. Une haine qui viserait non pas à commettre des violences en direction des hommes, mais à s’émanciper des dynamiques sexistes. Est-il si impensable que de la colère puisse être exprimée par des femmes prises au piège d’un système qui en tue tous les deux jours et demi ?
Notre société a adapté ses fondations au confort masculin et tout discours qui l’érafle est perçu comme dangereux. Ce qui bouscule, c’est l’affirmation de femmes s’exprimant avec aplomb sans rechercher l’approbation des hommes. Notre éducation encourage les femmes à ajuster leurs comportements au souci de plaire et de paraître agréable au regard des critères édictés par les injonctions patriarcales. Aussi, le fait de concevoir un discours sans prendre la peine de rassurer les hommes quant au fait qu’ils soient aimés ou indispensables est considéré comme une véritable subversion.
Qu’une femme puisse publiquement envisager une vie où elle choisit de réduire les influences masculines, qu’elle refuse de conditionner la formulation de son engagement au confort des hommes, est vécu comme une inacceptable menace à leur position hégémonique. En réalité, cette panique semée par un discours féministe renouvelé n’est que la traduction de la crainte de perdre une position centrale trop peu questionnée.
Étiqueter ce discours du label de la « misandrie » comme s’il était possible de dresser un parallèle avec les forces misogynes est intellectuellement inepte. La misogynie est le fruit d’un système structuré contre les femmes, et ses mots font écho à des violences aussi concrètes que documentées. Par conséquent, les discours sexistes s’inscrivent dans un continuum dont l’aboutissement est le féminicide.
De tous temps, les revendications féministes ont scandalisé la société majoritaire avant de finalement revêtir une apparence acceptable. Dès lors que l’on conteste l’ordre établi, il est impossible de créer le consensus.
Or, il n’y a pas d’oppression sans pouvoir. Les hommes ne sont pas opprimés du fait de leur genre. La condition masculine n’a jamais été un désavantage qui puisse conduire à un traitement structurellement défavorable. Ni Alice Coffin, ni Pauline Harmange, ni aucune femme ne disposent du pouvoir de produire un rapport de force menaçant au point d’infléchir un système millénaire.
Albert Memmi parlait de « racisme édenté » pour désigner la possible hostilité que pourraient éprouver des minorités contre des membres du groupe dominant. C’est une haine dépourvue de toute force, car elle est portée par des personnes qui n’ont pas le pouvoir social d’administrer un traitement discriminatoire aux personnes qu’elle vise. Du fait de dynamiques similaires, la prétendue misandrie des féministes n’est en rien comparable au patriarcat qui conditionne l’intégralité des relations sociales actuelles et qui s’insinue dans tous les rapports humains, à tous les niveaux de la société.
Dans un tel contexte, on ne peut que comprendre que des femmes décident de préserver leurs espaces personnels et mentaux des discours et actes qui sont la caisse de résonnance de la condition subalterne qu’elles dénoncent.
Ce qui se produit aujourd’hui n’est que la répétition du passé. De tous temps, les revendications féministes ont scandalisé la société majoritaire avant de finalement revêtir une apparence acceptable. Dès lors que l’on conteste l’ordre établi, il est impossible de créer le consensus. Tout discours antisexiste questionne les fondements mêmes de notre organisation sociale et ne peut par conséquent que déranger celles et ceux qui y trouvent une place confortable.
La désapprobation massive des idées d’autrices féministes, quasi-unanime dans les cercles de pouvoir, démontre la solidité de l’ancrage de la domination masculine. Toutefois, malgré les gesticulations désespérées visant à faire taire les voix féminines discordantes, ces livres figurent aujourd’hui parmi les meilleures ventes d’essais, preuve, s’il en fallait, d’un profond désir de placer enfin la production féminine au centre.
Rokhaya Diallo, journaliste, autrice et réalisatrice
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NOTRE AVIS SUR L'ARTICLE PLUS BAS :
VOILA UN ARTICLE QUI ASSUME TOTALEMENT
LA MISANDRIE
COMME L'EXPLIQUE PATRICK GUILLOT,
LE MISANDRIE A POUR OBJECTIF DE SE
SUBSTITUER AU FEMINISME.
C'EST DANS LE TITRE DE L'ARTICLE.
NOUS N'INVENTONS RIEN.
La misandrie est-elle l’avenir du féminisme ?
“Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites…” Cette citation issue d’une magnifique tirade n’a pas été écrite par une féministe enragée mais par Alfred de Musset. Un auteur clairvoyant dont l’autrice Pauline Harmange a emboîté le pas plus d’un siècle plus tard. “Les hommes sont paresseux, faisons sans eux“, déclare-t-elle dans un ouvrage qui a fait parler de lui en septembre. S’annoncer misandre et encourager la misandrie, est-ce faire fausse route ? Ou la misandrie est-elle au contraire une fête sororale ?
Les féministes, de toute façon, ce sont des hystériques et des harpies. Des gouines, des moches ou des mal baisées qui veulent anéantir les hommes. Lorsque le féminisme n’était pas encore à la mode, il était d’usage d’accuser de misandrie la moindre requête anti-sexiste. C’était parce qu’on détestait les hommes qu’on réclamait l’accès aux mêmes chances. Parce que l’on voulait anéantir la masculinité que l’on refusait d’être sifflées dans la rue. Les hommes usaient de la carte “misandrie” au moindre sourcil levé, à la moindre inflexion de voix. Suspectées d’être misandres, les féministes voyaient leurs arguments disqualifiés d’entrée de jeu. C’est pourtant, aujourd’hui comme hier, tout le contraire qui se joue. “Le féminisme est détesté parce que les femmes sont détestées. L’antiféminisme est l’expression de misogynie la plus directe. C’est une défense politique de la haine des femmes”, disait la féministe radicale Andrea Dworkin. C’est la misogynie qui croit voir de la misandrie dans la colère des femmes. C’est une astuce rhétorique vieille comme le monde pour refuser d’entendre la voix de l’autre. Refuser d’entendre ce qu’elle a à dire et pourquoi elle le dit.
Accuser une femme de misandrie, c’est vouloir la réduire au silence
Si l’accusation pèse moins qu’il y a une dizaine d’années, elle est toujours une lourde épée de Damoclès au-dessus de la tête des féministes qui osent critiquer les hommes. Depuis que le capitalisme existe, les femmes sont moins bien payées que les hommes. Depuis toujours elles sont victimes de leur violence. Et pourtant, c’est un ouvrage édité par une maison d’édition associative qui émeut Ralph Zurmély, chargé de mission au ministère délégué à l’égalité femmes-hommes. Un essai féministe de 80 pages tiré à 500 exemplaires menacé de censure et finalement racheté par les éditions du Seuil et édité désormais à plus d’une dizaine de milliers de petits livres violets.
Les femmes n’ont pas le droit de détester les hommes (Pauline Harmange, Moi, les hommes je les déteste) et encore moins le droit de déclarer qu’elles préfèrent lire des ouvrages écrits par des femmes ou regarder des films conçus par des réalisatrices (Alice Coffin, Le Génie Lesbien, éditions Grasset). Alors que depuis des décennies les hommes se serrent les coudes dans des boys club plus ou moins établis, les femmes, elles, n’ont pas le droit de déclarer préférer écouter une musicienne, pas le droit de trouver les hommes paresseux, pas le droit de le penser et pire encore de le dire. “Notre société a adapté ses fondations au confort masculin et tout discours qui l’érafle est perçu comme dangereux. Ce qui bouscule, c’est l’affirmation de femmes s’exprimant avec aplomb sans rechercher l’approbation des hommes”, analyse Rokhaya Diallo dans son article ‘La misandrie’ : une hostilité édentée.
Se passer du regard des hommes
Pauline Harmange et Alice Coffin ont en commun d’être des femmes qui s’expriment en assumant s’extraire du regard masculin. Et, outrage, elles ont même poussé le vice jusqu’à en faire un ouvrage vendu en librairie. En substance, elles osent finalement dire pouvoir se divertir et se cultiver sans l’aval des hommes et même sans leur participation tout court. “J’ai longtemps fait passer les hommes en premier : ils m’ont pris tout mon temps sans beaucoup me donner en retour […] Alors maintenant, je privilégie les femmes. Dans les livres que je lis, les films que je regarde…”, raconte Pauline dans son livre Moi, les hommes je les déteste. Alors que nous lisons des Proust, des Beigbeder, des Ono-dit-Biot… Seulement douze femmes ont été lauréates du Prix Goncourt et une seule, Tonie Marshall, a remporté le César de la meilleure réalisatrice. Avouez qu’il y a de quoi s’offusquer.
Entre hommes, on se fait volontiers la courte échelle, mais on refuse que des femmes s’entraident pour détruire le plafond de verre. La misandrie, c’est peut-être alors tout ce qu’il nous reste pour pouvoir sortir la tête de l’eau. “Si on devenait toutes misandres, on pourrait former une grande et belle sarabande. On se rendrait compte (et ce serait peut-être un peu douloureux au début) qu’on n’a vraiment pas besoin des hommes. On pourrait, je crois, libérer un pouvoir insoupçonné : celui, en planant très loin au-dessus du regard des hommes et des exigences masculines, de nous révéler à nous-mêmes”, poursuit Pauline Harmange.
La misandrie, dans son refus d’un monde mené par les hommes pour les hommes, offre la possibilité d’un monde sororal où le dénominateur commun ne se conjugue pas uniquement au masculin. Elle rebat les cartes et combat la misogynie avec des armes qui ne tuent pas. Car non, la misandrie n’est pas le versant féminin de la misogynie. La haine des femmes est un système de domination en marche, ancré dans nos mœurs. Elle a tué 146 femmes en 2019 (source : Féminicides Par Compagnons ou Ex). La misandrie, même si elle bouscule, n’a jamais blessé personne.
La misandrie offusque parce qu’elle résume un trop plein, parce qu’elle déplace les pôles, elle effraie parce qu’elle appelle à une nouvelle respiration. Et on respire mieux, quand on n’est pas asphyxiée·s.
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