Stop hommes battus

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« Violences conjugales faites aux hommes : la double peine »

 

 

« Violences conjugales faites aux hommes : la double peine »

TRIBUNE PARUE DANS LE JOURNAL LE MONDE

 

Les mauvais traitements dont sont victimes les hommes représentent plus d’un quart des actes recensés. Pour que cesse ce déni, il importe de traiter le problème dans son ensemble, estiment Pascal Combe, président de l’association « Stop Hommes Battus », Patricia Vasseur, infirmière à l’UMJ de l’Hôpital Hôtel-Dieu AP-HP, Catherine Lam, avocate, Alice Lecomte, psychanalyste.

 

Le fléau des violences conjugales dans notre pays ne se résume pas uniquement à une relation dans laquelle la femme est la victime et l’homme l’agresseur. Alors qu’un nouveau texte de loi, sur la protection des victimes de violences conjugales, vient d’être adopté par le Parlement, il importe que le gouvernement et le législateur s’emparent désormais du problème des violences conjugales dans leur ensemble, au-delà de la seule question des violences faites aux femmes. Les violences conjugales se caractérisent essentiellement par un rapport d’emprise et d’agression entre un membre du couple et son conjoint ou ex, qui subit des violences répétées, de différentes natures - physiques, psychologiques, sexuelles, matérielles, administratives. Parmi les victimes de ces violences conjugales en France figurent des hommes, dans une proportion qui n’a rien de marginale.

 

Réputées être un sujet « tabou », les violences conjugales subies par les hommes pâtissent peut-être plus encore de lacunes dans leur évaluation. Quoi qu’il en soit, les données officielles à ce sujet disent a minima l’ampleur du problème. Selon l’enquête cadre de vie et sécurité (CVS) de l’Insee de 2019, plus du quart - 28% - des victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles auto-déclarées sont des hommes. Soit 82.000 victimes par an, en moyenne (sur la période 2011-2018). En 2018, 12% des victimes de violences conjugales enregistrées par les services de police ou de gendarmerie étaient des hommes (selon les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), cités dans la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes 2019). Soit près de 15.000, sachant que la propension des hommes à dénoncer les faits de violence subis est réputée plus faible, avec un taux de plainte moindre. L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple produite chaque année par le Ministère de l’Intérieur rapporte qu’en 2018, 28 hommes ont été tués par leur conjointe ou ex-conjointe. 31 femmes ont donné la mort à leur conjoint(e) ou ex, trois de ces drames étant survenus au sein de couples lesbiens. Eu égard à leur mémoire et à la dignité de leurs proches, il convient de rappeler que dans la moitié des cas, les victimes de ces homicides au sein du couple n’étaient pas auteures de faits de violence sur leurs conjointes connus de la police ou de la gendarmerie. Au contraire, certaines victimes masculines subissaient déjà de leurs conjointes des faits de violence connus de la police ou la gendarmerie.

 

Ne porter l’attention que sur les seules violences faites aux femmes, aussi impérieuses et légitimes soient les mesures prises pour les faire reculer, revient à occulter une part considérable du problème des violences conjugales en France. Pour que cesse ce déni de la réalité des hommes victimes, il nous paraît urgent de faire évoluer les représentations à ce sujet. C’est pourquoi il importe en particulier que les pouvoirs publics cessent de renforcer les stéréotypes, notamment en présentant systématiquement dans les campagnes de prévention les victimes comme étant des femmes, les agresseurs comme étant des hommes. Et ce pour prendre en compte l’intégralité du problème.

 

Ce déni de réalité est lourd de conséquences. Il aggrave le sort des victimes masculines de violences conjugales, qui vivent pourtant, de même que leurs entourages - proches, familles, à commencer par les enfants - un drame presque en tout point identique à celui des femmes victimes de violences conjugales. A ceci près que les hommes les subissent comme une double peine en ne rencontrant autour d’eux qu’incompréhension ou incrédulité, si le drame qu’ils vivent demeure occulté. A cela s’ajoute l’insuffisance, si ce n’est la quasi inexistence de dispositifs spécifiquement prévus par les pouvoirs publics pour prévenir les violences lorsque la victime est un homme.  Ni site internet ni numéro téléphonique spécifiques, pas de places d’hébergement réservées, pas la moindre association spécialisée soutenue par les pouvoirs publics. Des professionnels de la santé ou de la chaîne pénale qui ne sont ni formés, ni même sensibilisés à cet aspect du problème des violences conjugales. Et qui par conséquent seront d’autant moins à même d’apporter un secours et une réponse appropriée aux victimes, pour les aider à s’en remettre et se reconstruire.

 

Les violences conjugales sont graves et intolérables quel que soit le sexe de l’agresseur ou de la victime. Les violences commises par des femmes ou subies par des hommes montrent qu’en l’occurrence, plus que le rapport de genre importe la relation particulière d’agression et d’emprise qui s’instaure entre un agresseur et son conjoint, au mépris parfois complet de l’intégrité de la victime. Tout le monde, femmes et hommes, a intérêt à comprendre, prévenir et combattre plus efficacement et intégralement le problème des violences conjugales.   

 

Pascal Combe, président de l’association Stop Hommes Battus, Patricia Vasseur, infirmière, Catherine Lam, avocate, Alice Lecomte, psychanalyste.

 



19/08/2020
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