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VIOLENCES CONJUGALES: «L’HÔPITAL N’EST PAS UN COMMISSARIAT DE POLICE!»

VIOLENCES CONJUGALES: «L’HÔPITAL N’EST PAS UN COMMISSARIAT DE POLICE!»

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Lors du «Grenelle des violences conjugales» le gouvernement a annoncé vouloir faciliter le dépôt de plainte à l’hôpital. Si le professeur Frédéric Adnet salue les initiatives en la matière et encourage l’implication des médecins, il s’interroge sur l’application concrète de cette mesure.

 

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/violences-conjugales-l-hopital-n-est-pas-un-commissariat-de-police-20190904

«Nous ne connaissons pas vraiment les modalités de ce qu’a annoncé le Premier Ministre» s’inquiète Frédéric Adnet.
«Nous ne connaissons pas vraiment les modalités de ce qu’a annoncé le Premier Ministre» s’inquiète Frédéric Adnet. LOIC VENANCE/AFP

Le professeur Frédéric Adnet dirige le service des urgences de l’hôpital Avicenne de Bobigny en Seine-Saint-Denis.


FIGAROVOX.- Le «Grenelle des violences conjugales» a commencé ce mardi 3 septembre. Le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé vouloir généraliser la possibilité de porter plainte à l’hôpital. En tant que chef des urgences de l’Hôpital Avicenne de Bobigny, qu’en pensez-vous?

Frédéric ADNET.- Je pense que l’idée d’impliquer les hôpitaux dans le combat contre les violences conjugales est une bonne chose bien sûr. Et les urgentistes doivent pouvoir s’inscrire dans cette démarche en aidant les femmes victimes et en les guidant dans d’éventuelles démarches administratives. En revanche, je ne comprends pas bien ni Edouard Philippe ni Madame Buzyn … Faire intervenir des policiers dans nos hôpitaux ne serait pas une bonne chose. (Et imaginer des médecins responsables de recueillir les dépôts de plainte serait évidemment absurde puisque ce n’est pas notre métier).

La procédure judiciaire n’a absolument rien à faire à l’hôpital.

Notre métier est avant tout de soigner nos patients et de le faire selon le serment d’Hippocrate c’est-à-dire quelle que soit leur origine, quel que soit leur passé, peu importe ce qu’ils ont fait avant leur entrée à l’hôpital. Dans le cas de violences conjugales, Les médecins sont en charge de produire des certificats descriptifs et de constater les lésions. Ils peuvent donc recueillir le témoignage d’une personne mais doivent toujours rester d’une neutralité absolue. Le parcours judiciaire ne relève ainsi pas de notre mission même si nous sommes prêts à le faciliter. Et le dépôt de plainte signe justement le début d’une procédure judiciaire qui n’a absolument rien à faire à l’hôpital.

Je ne vois pas comment mettre un policier dans chaque service d’urgence serait possible et je pense surtout que ce n’est pas souhaitable. Nous sommes chargés de soigner tout le monde sans exception, qu’ils soient délinquants, en situation irrégulière ou autre. J’ai bien peur que la présence d’un policier dans l’hôpital ne soit pas une bonne chose à la fois pour la population qui vient s’y faire soigner et aussi pour notre devoir de soigner toute personne.

Si les femmes victimes de violences conjugales sont mal accueillies dans les commissariats, cela ne relève pas de notre responsabilité. Ce sont aux commissariats de s’organiser pour avoir par exemple, des policiers référents pour ce genre de problème ou bien une procédure rapide. Et nous accepterions d’être intégrés à cette procédure en aiguillant au mieux ces femmes.

Nous ne connaissons pas vraiment les modalités de ce qu’a annoncé le Premier Ministre.

Mais l’hôpital n’a pas deux casquettes: il n’est en aucun cas un commissariat. Ce serait dangereux de voir deux missions très différentes se mélanger. Imaginons qu’un patient en situation irrégulière vienne se faire soigner, ou bien encore un toxicomane, … Si la population savait qu’il y a une présence policière à l’hôpital, des dérives pourraient mettre à mal notre déontologie ou notre secret professionnel.

Finalement, nous ne connaissons pas vraiment les modalités de ce qu’a annoncé le Premier Ministre. Et c’est aussi un problème: nous n’avons pas été consultés, nous n’avons pas été mis au courant de telles volontés. Je l’ai appris dans la presse, comme beaucoup d’autres. Il n’y a donc eu aucune concertation tout du moins à mon niveau.

Tout cela ne veut évidemment pas dire que nous ne souhaitons pas être intégrés dans la démarche de facilitation des processus de dépôt de plainte pour les femmes victimes de violence conjugales.

Comment les personnels médicaux pourraient donc être engagés dans le combat contre les violences conjugales?

Les ministères concernés ont sans doute cherché à faciliter les démarches des femmes victimes de violences conjugales mais n’ont pas forcément bien pensé les solutions.

Je pense qu’il serait bien plus efficace d’affecter des policiers référents pour ce type de cas dans les commissariats. Il s’agirait alors pour les victimes de savoir qu’elles ont un accès privilégié à un agent référent. Nous pourrions alors collaborer avec ces commissariats en ayant une ligne directe vers l’agent référent. C’est une solution parfaitement envisageable.

Les hôpitaux sont déjà habitués à aider les patients dans des démarches plus « administratives  ».

J’ai en effet tendance à faire le parallèle avec nos soignants qui peuvent eux aussi être victimes de violence de la part de patients ou de proches de patients. Dans ces cas-là nous accompagnons très rapidement ces agents des hôpitaux vers des commissariats pour qu’ils déposent plainte. Il existe donc déjà une forme de structure d’accompagnement interne aux hôpitaux vers les services de police. Ce «chemin» plus rapide pour faciliter le dépôt de plainte existe donc et nous travaillons à nous investir encore davantage dans ce processus. Mais en aucun cas nous ne remplaçons la police.

Les hôpitaux sont déjà habitués à aider les patients dans des démarches plus «administratives»: nous le faisons ainsi pour les patients toxicomanes qui souhaitent se sevrer. Cela ne veut pas pour autant dire que nous sommes en charge de les sevrer nous-mêmes. Mais nous les aidons dans leurs démarches pour intégrer les centres d’addictologie. Et les deux sphères sont bien distinctes. De même l’hôpital et les commissariats de police doivent rester deux sphères distinctes. On peut vouloir faciliter les passerelles sans pour autant généraliser ce mélange entre professions judiciaires et hospitalières sur un même lieu de travail.

Notre métier est d’accueillir et de soigner les femmes victimes de violence conjugales, de constater les lésions.

Il faut donc certainement faire des efforts des deux côtés, à la fois à l’hôpital et dans les commissariats mais sans mélanger les deux. C’est cette manière-là de voir les choses qui rendrait le processus efficace plutôt que de faire des annonces spectaculaires qui diraient que les urgences sont à la fois le lieu où l’on soigne et celui où l’on peut déposer une plainte.



06/11/2019
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