C’est un sujet encore mis côté. Pourtant en France, 28% des victimes de violences conjugales, quelles soient physiques, psychologiques ou sexuelles sont des hommes. Soit 82 000 victimes masculines en moyenne par an sur la période 2011-2018 selon une étude de l’Insee de 2019.
Thierry fait partie de ces victimes. Depuis, cet homme a tout perdu. Son emploi, son logement, sa famille. Tout a commencé par des crises de jalousie après quelques mois de vie commune. Il est aujourd’hui séparé de sa compagne. Ce Parisien a accepté de témoigner.
"Au début elle disait ‘je suis sure que tu couches avec elle’. Et puis quelques minutes après elle devenait vulgaire et insolente dans ses propos. Et après elle en venait aux mains".
La honte l'a empêché de se confier
Parmi les 82 000 victimes, 75 000 confessent avoir subi des attaques physiques, 4 000 des violences sexuelles et 3 000, les deux. Thierry a dû supporter les coups et les cris pendant un an. Sans jamais en parler à son entourage. La honte, la peur et la pudeur l’empêchent de se confier. Les violences conjugales se traduisent également par un phénomène d’emprise exercé par le conjoint.
"Au bout d’un moment, une collègue commençait à voir des marques sur mon visage. Au début, je disais que je faisais un sport de combat et que je venais de faire un match. Jusqu’au jour où j’étais vraiment marqué. Elle a commencé à avoir des doutes. C’est là que j’ai commencé à lui en parler".
Un jour, alors qu’il tente de se défendre, tout dérape. "On s’est emportés. Là, il y avait vraiment la violence de trop. Elle était trop violente, elle m’avait déjà frappé alors que j’avais le petit dans les bras".
La victime vue comme bourreau
Pourtant, Thierry a été condamné par la justice. Sa femme a en effet porté plainte contre lui. Les rôles sont alors inversés. La victime devient le bourreau. Pour Catherine Lam, avocate spécialisée en droit de la famille, le piège se referme souvent ainsi sur les hommes violentés.
"Au terme d’une altercation extrêmement violente, il arrive que l’homme découvre que la femme a été déposer plainte avant lui. Donc si lui dépose plainte dans un deuxième temps, on a l’impression que c’est une plainte qui est une sorte de plainte réactionnelle, en réponse, qu’il n’est pas le premier à avoir subi des violences sinon il aurait déposé plainte avant."
L’un des facteurs des violences c’est la violence psychologique qui elle ne laisse pas de marque et n’est pas visible.
Maxime Gaget, lui, est parvenu à faire reconnaître son statut de victime devant la justice. Séquestré, humilié et torturé, il aurait pu mourir. Son ex-femme a alors écopé de cinq ans de prison. Une étape essentielle de sa reconstruction. Pour lui, il faut encore briser un tabou.
"Quand on considère la situation, pour un homme, devoir porter plainte pour violences conjugales, je peux vous assurer que le côté masculin se prend une claque monumentale. Dans la théorie, ou l’esprit de beaucoup de gens, l’homme doit avoir un côté fort et robuste, doit savoir encaisser les choses", confie celui qui a écrit en 2015 le livre Ma compagne, mon bourreau.
Pascal Combe, ancienne victime, a fondé Stop Hommes Battus pour lutter contre ces violences. La structure basée au Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) accompagne les victimes, les écoute mais tente aussi de sensibiliser les responsables politiques. Chaque année, l’association accompagne 1 500 hommes en détresse.
"Si on est reconnu par le ministère de l’Egalité homme – femme, ça nous permet d’avoir un budget, comme les femmes battues. Et ça nous permet donc d’avoir un téléphone national pour les hommes battus et d’avoir des centres d’hébergement".
> Le reportage de V. Ponsy, R. Duroselle et L. Comiot.
Pour ces hommes, le retour à une vie normale est un long chemin. Aujourd’hui, le combat de Thierry, faire reconnaître par la justice son statut de victime.