Violences conjugales : le combat de Pascal pour faire reconnaître la souffrance des hommes battus

Pascal Combe, 63 ans et lui-même confronté à des violences conjugales, a créé l'association Stop hommes battus pour offrir une oreille attentive à ces victimes dont on parle peu.

Pascal Combes, le président de l’association Stop hommes battus
Pascal Combes, le président de l’association Stop hommes battus est domicilié en Seine-et-Marne(©JVC/RSM77)

Sans nier la souffrance des femmes, il veut faire reconnaître les hommes comme des victimes à part entière des violences conjugales. Âgé de 63 ans, Pascal Combe est le fondateur et le président de l’association Stop hommes battus

Le but de cette structure : compenser le manque d’accompagnement des victimes masculines, proposer une écoute, mais également sensibiliser les politiques pour rendre visibles ces situations souvent tues. Interview.

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Une « omerta » des hommes battus

Actu : Comment vous est venue l’idée de créer votre association Stop hommes battus ?

Pascal Combe : J’ai moi-même été confronté à ces violences conjugales il y a plusieurs années. Quand j’ai voulu me faire accompagner, je me suis rendu compte qu’il n’existait aucune structure d’urgence pour accueillir les hommes battus. À l’époque, on m’avait même dit "si vous vous sentez en danger, il vaut mieux aller dans la rue". Mais je sais ce que sait que le phénomène de l’emprise, qui a duré plus de deux ans pour moi. Seule une minorité d’hommes passe le cap de déposer plainte.

Comment expliquez-vous justement cette omerta autour des violences conjugales touchant les hommes ?

P.C. : Les hommes parlent peu des violences qu’ils peuvent subir au sein de leur couple. C’est un phénomène qui est lié à deux tabous. Tout d’abord, c’est le statut de virilité de l’homme. Notre société repose sur un modèle patriarcal qui assimile aux hommes des valeurs comme le courage, la bravoure, etc. Quand un homme est battu, c’est comme un message contradictoire, celui de la faiblesse, qui lui est renvoyé. En conséquence, ils n’osent pas en parler.

Et quel est le second tabou ?

P.C. : Il tourne autour de l’image "mal représentée" de la femme maltraitante. On pense toujours que c’est l’homme qui est maltraitant et du coup. Ainsi, notre souffrance est souvent totalement effacée des statistiques, nous sommes exclus de violences conjugales. Pourtant, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les hommes représentent 28 % des victimes de violences conjugales [chiffre tiré de l’enquête Cadre de vie et sécurité de 2019 conduite par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), ndlr.]

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« Les violences n’ont pas de genre »

Cette enquête met aussi en avant le fait que les femmes représentent la grande majorité des victimes, et la presque totalité des victimes quand il y a des violences sexuelles…

P.C. : Notre combat n’est pas contre le féminisme ou la problématique des femmes battues : nous demandons seulement une reconnaissance en tant que victimes. Nous n’avons jamais mis en opposition les femmes et les hommes victimes.

Sans remettre en cause la souffrance réelle des hommes battus, votre combat n’invisibilise-t-il pas celui des femmes victimes de violences ?

P.C. : On m’a déjà opposé l’argument "partout où l’homme arrive, la femme disparaît", mais c’est absurde. Nous sommes une association féministe. Les femmes battues ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire reconnaître leur souffrance, mais nous avons aussi des droits à faire reconnaître. Il y a un ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et chargé de la lutte contre les discriminations : en refusant de reconnaître les hommes battus, cela induit une discrimination. Nous ne voulons pas invisibiliser les femmes, mais au contraire travailler avec elles pour faire reconnaître la souffrance des violences conjugales. Tout comme les enfants, nous sommes des victimes. Les violences n’ont pas de genre.

Violences conjugales et intra-familiales : les numéros utiles

Pendant le confinement, les personnes victimes de violences conjugales ou intra-familiales peuvent envoyer un SMS au 114 afin de donner l’alerte. Ce numéro d’appel d’urgence, d'habitude dédié aux personnes sourdes et malentendantes, a en effet été étendu aux victimes de violences conjugales. D’autres numéros sont accessibles : le 39 19 assurée par la Fédération nationale solidarité femmes (du lundi au samedi, de 9 heures à 19 heures) et le 119 Allô enfance en danger.

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 « La triple peine »

Quel est précisément le rôle de votre association ?

P.C. : Tout d’abord, nous avons une permanence d’écoute six jours sur sept. Grâce à cette plateforme, les hommes battus peuvent être entendus par une dizaine d’écoutants dans nos cinq antennes à travers l’Hexagone (deux pour l'Île-de-France dont une en Seine-et-Marne, Loire-Atlantique, Saône-et-Loire et Alpes-Maritimes). Concrètement, nous travaillons pour une reconnaissance de notre souffrance. Cela passe par la mise en place d’un numéro - à l’image du 3919 - ou encore la création de centres d’hébergement pour une prise en charge en cas d’urgence.

Est-ce une manière de compenser le manque d’accompagnement auquel vous avez été confronté ?

P.C. : Mon ancienne compagne m’avait fait promettre de ne jamais parler. J’ai fini par me défendre, mais à l’hôpital, j’ai été confronté à la discrimination : on a nié mon statut de victime. Et comme c’est elle qui a déposé plainte la première j’ai été placé en garde à vue. Même si j’ai ensuite saisi la justice, j’ai été condamné à 6 mois de prison avec sursis. Être battu, ne pas être reconnu puis être condamné… Une triple peine.

Ce qu'il faut savoirMis à jour le 24 nov. 2020

Selon les dernières statistiques gouvernementales, en 2019, 146 femmes et 27 hommes ont été tués lors de violences conjugales.

L'enquête "Cadre de vie et sécurité" de l'Insee indique elle que plus du quart des victimes de violences conjugales (28%) en 2019 sont des hommes. Cela représente environ 82 000 victimes par an (en moyenne sur la période 2011-2018.)

Renseignements : www.stophommesbattus.org