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L'ORGANE MÉCONNU DU PLAISIR FÉMININ

 

 

 

L'organe méconnu du plaisir féminin

L'organe méconnu du plaisir féminin

L'histoire mouvementée du clitoris, notamment dans les écrits médicaux, montre qu'il n'a pas toujours été très bien vu et qu'il est encore mal connu.

En 2009, Annie Sautivet, professeur d'art plastique dans un collège plutôt favorisé du nord de Montpellier réalise une étude sur les connaissances, représentations et pratiques sexuelles des jeunes auprès de 316 élèves de 4e et de 3e. A sa grande surprise, lorsqu'il s'agit de dessiner les organes génitaux féminins et d'y placer les principaux éléments les résultats sont affligeants. Beaucoup sont notamment incapables de situer correctement le clitoris et à la question directe «Avez-vous un clitoris?», seules 49 % des filles de 4e et 74 % des filles de 3e répondent par l'affirmative, les autres étant dubitatives («Ne se prononce pas»). On compte même 10 % des 4es et 3 % des 3es qui n'en auraient pas. Enfin, en 3e deux filles sur trois ne savent pas encore à quoi sert le clitoris.

Ce travail, cité avec d'autres chiffres par le sexologue Jean-Claude Piquard dans un livre aussi instructif que plaisant (La Fabuleuse Histoire du clitoris) qui vient de paraître aux éditions Blanche, illustre à quel point l'éducation des enfants sur les parties les plus intimes de leur corps demeure taboue. On objectera qu'il n'est pas si facile, pour les parents, de nommer la zone (toujours la crainte bien légitime de créer un climat d'excitation, ce que Racamier appelle l'incestualité) mais comment expliquer alors que les garçons - et les filles - soient très bien informés sur l'anatomie des organes génitaux masculins, la majorité des filles comme des garçons sachant dès la 4e situer le pénis, le gland et les testicules? Il est vrai qu'en 2012, le clitoris ne figure toujours pas dans le dictionnaire Larousse Junior des 7-11 ans. Le pénis, si. Même les testicules ont une petite place.

Un organe dépendant des hormones mâles

Les scientifiques sont pourtant d'accord aujourd'hui. L'équivalent du pénis est bien le clitoris avec ses racines bien enfouies et ses deux bulbes vestibulaires posés comme une selle de cheval sur le vagin. Clitoris et pénis sont d'ailleurs dépendants des hormones mâles (que la femme produit en faible quantité). En revanche, le vagin, lui, n'a pas d'équivalent masculin et dépend des hormones féminines. Pourtant, on a parfois l'impression que les représentations d'aujourd'hui, comme les idées des enfants, voient toujours dans le vagin la version «vers l'intérieur» d'un pénis! «Selon Galien (129 après J.-C. - vers 200 après J.-C.), les organes génitaux féminins sont équivalents mais inversés et internes aux organes génitaux masculins», rappelait en mai 2012 l'historienne Sylvie Chaperon (université Toulouse-Le Mirail) lors d'un colloque organisé à Bruxelles sur les perspectives historiques sur les organes sexuels. Elle mettait toutefois en garde: «À l'époque, l'organe n'est pas forcément l'unité pertinente. Dans l'Antiquité, c'est la circulation des humeurs qui compte.»

En réalité, l'histoire du clitoris à travers les âges racontée par Piquard, illustrations à l'appui, montre bien qu'une connaissance assez précise du clitoris existe depuis longtemps et que l'organe figure bien dans les premiers manuels d'anatomie. Dès 1559, à Padoue, Mateo Renaldo Colombo, non seulement décrivait le clitoris, qu'il nomme Amor Veneris, mais en fait «par excellence, le siège du plaisir de la femme». Au passage, on découvre aussi que la médicalisation de la sexualité opérait déjà: le chirurgien du Roi-Soleil, Dionis, préconisant «l'excision comme remède contre la lascivité féminine».

À cette nuance près, selon Sylvie Chaperon que le règne de l'anatomie qui se développe à partir du XVIe siècle va entrer en concurrence avec l'héritage livresque de l'Antiquité, sans le remettre directement en question: «Dans un premier temps, l'ouverture des cadavres ne sert qu'à confirmer ce qu'on lit dans les livres. Ce n'est que petit à petit que le corps lui-même va montrer ce que l'on peut voir.»

L'organe passe aux oubliettes au XIXe siècle

En fait, tant que le plaisir féminin est considéré comme une part importante du mécanisme de procréation (la médecine d'Hippocrate et de Galien perdurant jusqu'au milieu du XIXe siècle!), les choses se passent plutôt bien pour le clitoris mais selon Piquard, c'est avec l'invention du microscope et la découverte, en 1876, de la fécondation de l'ovule par le spermatozoïde, que sonne le glas du clitoris. Condamné à retourner aux oubliettes des organes sinon inutiles, du moins dangereux.: «Reconnu sans aucune fonction reproductive, le clitoris dérange les hommes et surtout les médecins», remarque le sexologue. Mais il rappelle aussi l'ambivalence du corps médical vis-à-vis du clitoris puisque la moitié des dictionnaires médicaux du XIXe siècle font l'impasse sur lui.

La promenade à laquelle nous invite l'auteur à travers des dessins, schémas, et autres mesures du clitoris, donnera au lecteur pressé, une bonne vision de l'organe principal du plaisir féminin sous tous ses angles. Piquard rappelle aussi que Freud n'a pas été le premier à imaginer la nécessité pour une femme mature de passer de la zone érogène clitoridienne à la zone érogène vaginale. Cette idée très phallocentrique était lancée dès 1886 par le célèbre psychiatre viennois, Richard von Krafft-Ebing, avec les résultats catastrophiques que l'on connaît sur la sexualité féminine.

EN SAVOIR PLUS:

» Quels sont les organes génitaux externes de la femme?

» Comment réussir l'éducation sexuelle?

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10/11/2019
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